Nous voilà déposés dans la tranquille LiTang.
On est en plein territoire Kham (l’un des trois anciens royaumes tibétains), installé sur de hauts plateaux dénués de toute végétation.
Ah ? Y’a pas d’arbre à Kham ?
Nous sommes à 4000m d’altitude – LiTang serait considérée comme l’une des villes les plus hautes du monde – d’interminables plaines arides encadrent la ville d’un côté, tandis que de l’autre côté, les collines dorées d’herbe sèche continuent de grimper vers le Nord du SiChuan. C’est un gros bourg paisible.
On s’installe dans une auberge pas si mal isolée mais surtout dotée d’un chauffage (suffisamment rare pour le souligner), d’une couverture chauffante, d’une bouilloire, d’un chauffe-eau. Bref : le luxe. On arrive presque à retirer nos polaires dans la chambre, enfin…
Les rayons du soleil chauffent intensément à cette altitude, et la crème solaire n’est pas de trop (mais on garde nos épaisseurs). L’air est très sec et ténu, on est facilement essoufflés, même en parlant.
Nos journées sont agrémentées de nombreux tashidele (« bonjour » en tibétain du sud) et de larges sourires aux incisives souvent dorées. Ça doit être décoratif. Les tenues traditionnelles sont toutes plus étudiées les unes que les autres.
Finalement, quoiqu’on en dise, en Chine, les minorités maintiennent leur cultures et leurs traditions, assumant leurs différences. C’est ainsi qu’en se baladant dans les rues de LiTang, on peut voir des costumes que nous ne pensions voir que dans les films documentaires.
Les hommes, pour la plupart, portent de longues vestes au tissu satiné et aux motifs fins (doublées de fourrure), aux manches si longues qui, lorsqu’elles ne sont pas retroussées, touchent presque le sol.
Le manteau est resserré à la taille par une ceinture colorée ou dorée, et lorsqu’il fait trop chaud, c’est naturellement qu’un bras est retiré du manteau, laissant la manche pendre de tout son long. Et puis il y a les coiffes. Cheveux longs (au style peu ou pas élégant selon nos critères occidentaux) et décorés de sorte de grosses perles en os, ils ont aussi souvent un chapeau. Longs, hauts, ronds, fins, pointus. Il y en a de toutes les sortes.
Cet attirail leur donne une allure de cowboys un peu rustre, ou de cavaliers des montagnes sur leurs motos bariolées. Quant aux femmes, si elles portent également cette longue veste doublée sur leur tablier bigarré, leurs cheveux sont systématiquement tressés élégamment, parés de bijoux et mélangés à de la laine noire ou de couleur.
Ici, certaines Tibétaines sont parfois ornées d’un chapeau cylindrique haut et jaune, d’une coiffe rose ou rouge ou simplement d’un chapeau synthétique aux larges bords pour protéger leurs joues déjà rougies par le vent et le soleil. Et qu’ils sont grands et forts ces Tibétains !
On se demande comment ils ont pu se faire « bouffer » par les petits Han. Nous nous baladons dans cette ville, aux allures tranquilles. Ici, une grande part de la population est tibétaine (et de fait bouddhiste : les notions de nation et religion étant quasiment indissociables) et nous sommes impressionnés du nombre de personnes, qui quotidiennement, tournent autour du grand chörten (stupa chez les bouddhistes tibétains), du monastère, du petit temple, qui viennent visiter la maison de naissance du 7ème Dalaï-Lama, ou qui sont simplement assis sur les marches de la ville, à faire tourner leurs moulins à prières portables et leurs chapelets tout en papotant.
Mais ils ne bossent jamais ?
On comprend mieux comment ils se sont fait « bouffer » par les petits Han* finalement, une vraie nation de bigot.
Alors que nous grimpions péniblement la colline menant au monastère (détruit par l’armée populaire lors de la « pacification » et en reconstruction lors de notre visite), des fidèles nous invitent à pénétrer dans une pièce noire, aux murs recouverts de suie.
C’est ici que l’on nettoie les bougeoirs, prépare, coule et laisse sécher ces bougies – autrefois faites au beurre de yak – avant de les brûler toutes…et recommencer.
La salle est plongée dans une ambiance obscure, éclairée par les quelques rayons de soleil qui parviennent à percer l’épaisse couche noire sur les carreaux.
Ils doivent être une grosse vingtaine d’ouailles à œuvrer ici pieusement dans le monastère. Et puis, au détour d’une rue, nous tombons sur un petit temple, où les anciens du village ont installé leur quartier général.
Sourires édentés, mains caleuses mais pas avare en chaleur (quand le petit papy prendra celles de Marion dans les siennes pour les réchauffer) et yeux remplis de larmes de vent, nous sommes accueillis chaleureusement et invités à faire le tour, toujours dans le sens des aiguilles d’une montre**.
Enfin, au Grand Chörten, ce sont des centaines de personnes qui tournent, encore et toujours, au son des prières incessantes du microphone.
Certains fidèles ne font qu’un petit tour et puis s’en vont ; mais d’autres, plus dévots, s’attèlent à faire tourner chacun des moulins et effectuent 7 fois le kora, le tour du temple, du monastère (parfois plusieurs kilomètres de circonférence).
Comme nous l’avions déjà vécu dans le QingHai tibétain (l’Amdo), les fidèles, jeunes et vieux, se prosternent, s’allongeant de tout leur long, puis se relèvent, pour se rallonger.
Puis ils font tourner l’immense moulin à prière…
Et toujours des sourires hospitaliers et pleins de chaleur.
Peu de touristes s’arrêtent ici, encore moins de laowaï.
Nous sommes, encore une fois, bien accueillis et nos passages dans les rues ou au marché de cette petite ville nous rendent populaires auprès des habitués.
On finira par distribuer quelques photos fraichement imprimées à nos fans les plus photogéniques. Le soir, nous retrouvons des saveurs et ambiances plus chinoises aux restos’ du coin. Le poivre du SiChuan se dévoile à nos palais, même si nous nous délectons aussi de momo à la viande ou à la pomme de terre (sorte de beignets/chaussons) ou de papa (pain de blé épais).
Enfin, LiTang est surtout pour nous l’occasion de découvrir les TianZang.
Mais cela fera l’objet d’un prochain article.
Le jour de notre départ, un fine couche de neige recouvre le paysage et remplace le doré de la prairie par l’immaculé des flocons. Nous enchaînons 10 heures dans trois minivan conduits à tombeaux ouverts sur des routes aux revêtements hétérogènes. Jamais nous n’avons vu aussi fréquemment des chaussées rognées, la route ayant été grignotée par la rivière, ou des éboulis recouvrant la voie… ou parfois les deux. En se rapprochant de Ganze et Seda, notre destination, on découvre de nouvelles formes d’architectures tibétaines.
De grosses maisons fortifiées rappelant que les tribus tibétaines ont souvent été en guerre les unes contre les autres. Notamment dans la vallée proche de Seda dont le rez-de-chaussée n’est peu ou pas ajouré.
Comme plus dans le Sud, on retrouve trois faces ouvertes à la lumière et décorées, et le mur Nord, beaucoup plus sobre, reçoit désormais une petite excroissance qui semble être des latrines. Le paysage est toujours aussi prodigieux et nous laisse pantois.
Cela vaut vraiment le coup d’aller se perdre dans ces régions dont nous sommes tombés amoureux.
‘* La majorité de la population de LiTang est tibétaine, mais malgré le fait que cette ville, tout comme Ganze plus au Nord, soit un foyer de troubles (on leur a quand même cassé leur gompa), nous n’avons ressenti que très peu de tensions.
On trouve bien une forte présence militaire et des policiers en très grand nombre… mais qui passent la plupart de leur temps avachis à jouer avec leur téléphone.Le quartier Han n’a pas trop défiguré le paysage urbain de la ville… même si on ne comprend pas trop pourquoi ils s’entêtent à mettre des statues de grues et de dragons dans les rues, alors qu’en pays tibétain, le vautour est le roi du ciel.
** À force de devoir toujours tourner dans le sens des aiguilles d’une montre, on en arrive à ne plus savoir si on peut faire demi-tour au supermarché, si on peut prendre ce raccourci-là, ou à se demander comment faire pour rejoindre cet endroit, situé derrière nous. Ainsi, souvent, nos balades sont rallongées de quelques centaines de mètres, pour « faire le tour ».
Il y a de quoi faire un bouquin par blog en ce moment. Avez vous conscience de l’extra-ordinaire de vos déambulations tibétaines?
Je plussois
Confucius vs Bouddha, la partie n’est pas encore gagnée pour Maître Kong
A part çà, vu d’ici, et donc de loin, ce moment de la Bourlingue semble magique.
Je n’avais pas vu de moulins à prière aussi grand au Népal… peut être parce que j’étais dans des bleds : la ville de LiTang a l’air importante sur la photo aérienne. Y’a combien d’habitants ?
Il y aurait 45000 habitants.
ok, une ville de province moyenne en France ; mais un hameau en Chine
Hihihihi, excellent jeu de mots, j’ai bien ri ! Vous êtes bien tranquilles, le territoire de Kham isole…
Bises
Je plussois aussi pour le jeu de mots. Et ca a vraiment l’air a couper le souffle.
Post incroyable encore une fois !
Les photos dans le monastère avec les bougies sont justes MA-GNI-FI-QUES !
Je ne ferais bien un petit tableau de celle avec la rayure sur le mur… j’adore !