Ce matin, le ciel est d’un bleu profond.
Quelques nuages s’accrochent encore aux hautes montagnes qui nous entourent.
Un petit-déjeuner copieux dans le ventre, les bagages sont arrimés sur les motos qui démarrent au premier tour de clefs.
Nous sommes prêt pour continuer notre route vers l’Est et nous enfoncer un peu plus dans les montagnes.
Le prochain challenge, le col de Zoji, nous rend quelque peu anxieux.
Il a mauvaise réputation.
Culminant à 3528m alt., il sépare les vallées de Sind et celle de Dras dans un climat très humide.
La route est connue pour être en mauvais état, tout au long de l’année et sujette à de fréquents glissements de terrain créant parfois des embouteillages sur des pistes accidentées.
Après de chaudes embrassades, et la promesse de se revoir bientôt, nous nous élançons sur la parfaite chaussée de la National Highway 1.
Comme précédemment pour rejoindre Sonomarg, la route sinue dans la vallée de Sind.
Puis celle-ci commence à prendre de la hauteur, serpentant à flanc de montagne.
Autour de nous, le paysage est toujours aussi vert, mais une fois les derniers villages passés, la route est déserte et seuls les rares hélicoptères, les quelques convois militaires et la vue sur les milliers de tentes des Yatri, au fond de la vallée, nous rappelle à la civilisation.
Le bitume net laisse soudainement place à des agencements d’autobloquants et semble être en constante réparation. Autour de nous, les pentes deviennent de plus en plus raides et perdent leurs arbres pour mettre à nue la roche calcaire.
La route monte désormais en lacets sur une piste de terre stable. Rien à voir avec les difficiles pistes arpentées dans la région pakistanaise de l’Indus ou de Hushe, devenues notre référence en matière de routes éprouvantes (et qui avaient laissé de difficiles souvenirs à Marion) et nous sommes plutôt agréablement surpris et nos soucis disparaissent.
Il y a bien eu ce camion, tombé en panne dans la seule restriction de chaussée, les quelques autres automobilistes forçant le passage de manière désorganisée, et ne laissant que peu de place pour nous faufiler entre le véhicule à l’arrêt et les centaines de mètres de vide de la falaise. Cette épreuve demandera quelques minutes à Marion pour que son cœur retrouve un rythme normal et qu’elle reprenne ses esprits.
Mais une fois ce moment passé, nous arrivons dans une vallée d’altitude, les courbes s’agrandissent, la piste s’élargit et se stabilise. Si la température est fraiche, nous passons le col sous un ciel bleu, et un soleil radieux avant de redescendre progressivement longeant les transparentes eaux de la Drass.
Nous croisons parfois des regroupements de tentes des bergers d’alpages ou des ouvriers travaillants à la route (souvent les mêmes personnes). Nous évoluons loin de tout village. Le paysage est immense, les montagnes sont imposantes, la vallée large, jusqu’à ce que la route nous mène au premier checkpoint militaire et nous permet de retrouver l’asphalte.
Petit à petit, des maisons colorées aux toits argentés occupent les flancs des montagnes.
Dans les plus gros villages, une mosquée trône au milieu des habitations, rappelant fièrement que la région demeure à majorité musulmane bien que nous ayons quitté le Kashmir.
La route est toujours aussi peu fréquentée. Quelques camions, une poignée de véhicules et nous.
La rivière prend du débit et de l’ampleur à mesure qu’elle est alimentée par ses affluents et que nous redescendons la vallée.
Quelques dizaines de kilomètres avant la capitale régionale de Kargil, le lit de la rivière se creuse, le paysage devient plus aride. Subsistent alors quelques plantes adaptées aux difficiles conditions climatiques de la région (les hivers sont rudes), aussi nous faisons quelques pauses pour collecter des brins de lavande et nous humons le parfum délicat d’une herbe aromatique typique de nos séjours à Sost et Passu et qui y embaumait nos journées. C’est donc avec un plaisir empreint de nostalgie que nous respirons cet effluve tout au long de notre séjour en altitude.
Kargil n’est – cette fois-ci – que l’occasion de retirer de l’argent et remplir nos réservoirs d’essence* et nos quelques jerricans.
Nous ne voulons pas nous y arrêter. Notre projet est de nous enfoncer dans la vallée de Zanskar située à plus de 230km sur une route difficile. On préfère ainsi poursuivre un peu plus loin dans la vallée suivante.
On entame notre trajet le long de la rivière Suru, et dès lors, nous en prenons plein les mirettes.
La région, située à quelques 2900m alt. est en pleine période de moisson.
Les blés sont dorés dans les champs ou en fagotins le long des routes et attendent d’être battus.
Si l’on s’arrête le long des routes, les gens nous interpellent, nous saluent, ou réclament parfois d’être pris en photo. On commence à fatiguer et les pauses sont de plus en plus nombreuses.
Au détour d’un énième campement militaire, le fleuve forme une boucle et s’ouvre sur un paysage magnifique.
Les rayons du soleil de fin de journée projettent une lumière chaude sur ce bassin verdoyant encadré de montagnes démesurées ocres et arides.
Nous déposons nos sacs dans la maison d’hôtes de Malla et offrons du répit à nos montures.
Gagangir – Lankerchey : 173km (06h52’) – done
Malla est Balti, et il est ravi de discuter avec nous quand on lui apprend avoir été dans la région de Khaplu l’année passée. Celle-ci n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres à vol d’oiseau de Kargil. Il parle la même langue et partage les mêmes traditions que Wilayat, le chauffeur de notre trip moto au Pakistan (qui lui aussi nous propose de le rejoindre lorsque nous lui envoyons un message « Wilayat, on est à Kargil ! juste de l’autre côté ! » **…).
Nous sommes d’ailleurs surpris de voir cette jolie vallée qui ressemble tellement aux paysages du Pakistan. Les routes bordées de peupliers, les champs savamment irrigués, les canaux, et peut-être même les gens.
Malgré la fatigue, nous profitons des dernières lumières pour arpenter les chemins de ce village, passer entre les maisons et étables aux toits plats et aux murs de brique de terre.
Après un bon bol de riz et légumes du jardin, nous nous endormons au calme, dans ce paisible village, prêts à attaquer la route vers la vallée de Zanskar.
‘* Dans les régions montagneuses du Kashmir et du Ladakh, les pompes à essences sont parsemées et leurs nombres le long des 1000 kilomètres de Srinagar à Manali se comptent sur les doigts d’une main et demie.
Il faut donc prévoir ses trajets et anticiper les ravitaillements, notamment lorsque l’on s’enfonce dans des régions reculées qui n’ont aucun approvisionnement en carburants (d’autant qu’il faut bien en revenir).
** Pour les personnes vivant dans ces régions, il n’y avait pas de frontière jusqu’à la partition Inde-Pakistan.
Dorénavant, pour aller visiter de la famille, il faut retourner à Delhi ou Amritsar et voyager pendant plusieurs jours pour relier ces quelques kilomètres.
Juste magnifiques vos 3 derniers posts. J’ai beau être au Kirghizistan et voir de beaux paysages, ça m’en a mis plein les yeux le temps d’avoir une connexion
Et cette vache qui passe la tête derrière son étable ….
Bravo Marion au fait ! Tu es courageuse !!! – Les paysages sont superbes. Mais ca doit qd meme etre bien crevant a cette vitesse et sur ces routes !
Subh bakhair les amis !
(Ça serait top que vous commenciez vos posts par le salut local de là où vous êtes…jdis ça jdis rien…;)
Au top niveau ce post!!
Le couple montagne-moto à son apogée!
Ça donne grave envie de vous rejoindre pour ce délecter de ces paysages merveilleux avec vous, et de l’aventure en plus.
Mais en fait… dans ces coins reculés, vous avez qund même demi-pension à l’auberge non ?? 😉
Bisous!
Eh eh eh.
Très Zoli ce post!
Le souffle coupe par ces photos! L’ocean est impressionant de par sa mobilite et sa force implacable, la montagne l’est par son immobilite apparente et ses masses affolante. Combien de millions de tonnes de roches se livrent a vos yeux a chaque virage, chacunes ayant ete pousse petit a petit par la remontee du sous continent indien? Avec le Pakistan, c’est probablement l’un des moments de votre voyage qui m’attire le plus. La liberte de la moto!