Il y a des jours où nous nous réveillons avec une lourde appréhension concernant la journée (notamment l’une de nous). Est-ce que nous faisons bien de nous enfoncer dans ces vallées ? Est-ce prudent ? Va-t-on y arriver sans incident ? Sommes-nous bien préparés ?
Ce matin, Marion se sent impressionnée de ce paysage. Ces montagnes, ces villages du bout du monde, ces routes qui semblent s’enfoncer vers nulle part sont aussi merveilleuses et attirantes qu’intimidantes, voire même effrayantes. Et ce matin, il est un peu difficile de grimper sur la moto.
Un coup d’œil autour de nous pour nous rappeler la chance que nous avons. Ça va bien aller.
Nous quittons Wanla et notre charmant hôte, cette jolie vallée aux cultures vertes et dorées, et longeons la rivière Yaopola, direction plein Sud.
La qualité de la route est très bonne, et dès les premiers kilomètres nous ne sommes pas déçus tant les paysages sont hors du commun.
Après seulement quelques minutes, la rivière forme un angle droit, et s’enfonce dans une gorge mystérieusement obscure. À son entrée, se dresse une imposante paroi ; porte monumentale ouvrant sur une vallée secrète que nous avons le privilège de franchir. En silence, nous nous émerveillons pieusement.
S’en suit un hallucinant défilé étroit d’où émane une puissante force.
Nous pénétrons humblement ce canyon, frappés par la magie de la nature et la beauté de la géologie.
Les murs abruptes de la gorge s’élancent, se terminant loin vers le ciel en de hauts pics aiguisés tandis qu’à leur pied, la rivière y a creusé son lit de son flot bouillonnant.
Nous sommes incroyablement impressionnés. Les roches se parent de multiples couleurs : ocre, beige et gris clair, mais aussi pourpre et vert. Nos yeux pétillent.
Nous avançons au pas pour ne rien louper de ce spectacle extraordinaire, enregistrant chaque souvenir dans notre mémoire. Nous avons l’impression de violer un sanctuaire, tant les détonations de nos moteurs résonnent comme deux cents motos pétaradantes dans l’écho de ce couloir de pierre.
Les falaises de roches coulent en de larges trainées de poussière et sable. Et sur la route, les restes d’éboulis sont nombreux. Nous zigzaguons autour des cailloux récemment tombés, et progressons lentement dans cette gorge, suivant la rivière quelques mètres en contrebas, avant d’atteindre une fourche.
La route bitumée se transforme en une piste bien tassée alors que nous remontons la Spang, un affluent de la Yaopola.
Quelques lacets serrés à l’ombre de ces parois géantes de pierre multicolore, et le paysage s’ouvre enfin. Les aiguilles s’éloignent, les pics et éperons rocheux s’écartent et nous laissent enfin apercevoir un peu de ciel.
Les flots laiteux de la rivière évoluent au milieu d’un paysage sec de garigue. Sur les côtés de la route, la lavande sauvage libère sa douce odeur apaisante que nous humons à travers nos casques.
Ce trajet s’annonce intense en émotion. Brice est toujours aussi optimiste. La route semble aussi bonne que décrite, et les paysages sont spectaculaires.
La vallée s’écarte – enfin, à mesure que nous prenons de la hauteur. Quelques stupa font leur apparition, puis nous passons un village. Le dernier avant de nombreux kilomètres. Il y a donc des gens qui se sont installés ici…
Devant nous, il semble que nous nous enfonçons dans une terra incognita à l’inhospitalité affichée et pourtant si attirante. Le chant des sirènes nous guide toujours plus haut le long des versants asséchés. Une courte série de lacets et le fin ruban argenté de la rivière en contrebas est déjà loin.
Toujours aucun véhicule rencontré, mais une poignée de marcheurs occidentaux, le sourire en travers du visage. Un peu plus loin, leurs porteurs sont en train de plier le camp et charger les mules.
L’infini et la puissance du paysage. C’est un paradis pour les randonneurs.
Nos pauses-photo sont fréquentes, et quel bonheur de couper le moteur pour n’entendre plus que le silence de ces contrées infiniment désertiques.
Il est impossible de décrocher le regard du tableau qui nous entoure.
Les immenses montagnes, les dégradés de couleurs, l’équilibre de la nature… et au loin, le col qui se dessine, sous un plafond nuageux terriblement menaçant.
Alors nous redémarrons pour le passer au plus vite.
Nous traversons finalement la rivière avant de nous élancer dans une succession de longs virages.
4500m alt., 4600m alt., puis 500m de ligne droite sur un plateau à 4700m alt., avant de repartir sur les rapports les plus courts, pour les courbes les plus serrées. 4700, 4800, 4820m alt., nous y sommes : Sisir-La*!
Nous coupons les moteurs, mettons pied-à-terre pour une pause bien méritée, et admirons le paysage.
Derrière nous, la vallée de la Spang, dans un camaïeu d’ocre et orange. De l’autre côté du stupa et de la myriade de drapeaux colorés qui volent au vent, la vallée glisse en contrebas sur fond de montagnes noires sous un ciel gris. Dans le coin à gauche, nous devrions trouver le village de Photoksar, et plus loin la route remontant vers le col de Singhe-la.
Nous ne nous attardons pas trop longtemps. Il ne fait pas très chaud et nous commençons à avoir mal à la tête. Serait-ce simplement la fatigue naissante ajoutée aux bruits des moteurs malmenés dans la côte, ou alors les premiers symptômes du mal des montagnes ? Nous ne nous laissons pas le temps de vérifier.
La route redescend, contournant la douce pente de la montagne. On distingue alors le long ruban blanc de la route dessinant de gracieux méandres sinueux sur le versant aride. Dans la vallée, on devine le tapis vert des cultures du village de Photoksar, alors que sur l’autre versant, la route continue de s’enfoncer vers les montagnes noires et ces paysages désolés qui mènent à notre destination.
Le chemin amorce de nouveau une succession de longs lacets. La piste est bonne, les virages sont larges. Parfait pour que Marion peaufine les bases. Car elle est frustrée par ces trajets.
Les virages serrés, à moto, c’est un peu technique. Surtout sur des pistes. Entre la faible vitesse à laquelle il faut rouler – et l’équilibre précaire qui en découle, le regard qu’il faut porter au loin, les cailloux en milieu de chaussée, les ornières et les nids de poules qu’il ne faut pas fixer mais éviter, doser le freinage pour ne pas caler ni bloquer la roue, faire patiner l’embrayage tout en faisant attention à la courbe – et au ravin, tout ça demande un peu de concentration…sachant que le paysage autour de nous est incroyablement beau et qu’on rêverait de le regarder en continu. Cela demande ainsi de la maitrise et un effort physique, assez fatiguant.
Nous passons la rivière et doublons Photoksar qui disparait bien vite dans la vallée encaissée puis remontons doucement sur le flanc d’un plateau incliné derrière lequel disparait le village.
De l’autre côté de la gorge, les strates dessinent des marbrures monumentales sur une muraille dressée par les forces incommensurables qui agitent le centre de la planète. Nous nous arrêtons un temps pour admirer ces motifs psychédéliques incroyables que la nature, imaginative et surprenante, a façonnés au cours de milliers d’années.
Nous sommes si petits dans cet environnement rocailleux.
Nous nous sentons perdus dans ce paysage de plus en plus hostile à mesure que nous progressons.
Derrière nous, des nuages gris se déversent déjà sur nos traces et tentent de nous rattraper.
Nous nous habillons plus chaudement en prévision du prochain passage de col et ne trainons pas plus longtemps.
La prochaine section de route se fait sans trop d’arrêt dans la crainte de se faire prendre par une averse.
Parfois, nous sommes secrètement pris d’épisodes d’angoisse, pensant à l’isolement de notre condition, que si quoique ce soit arrive, il n’y aurait personne pour nous porter secours, du moins, pas rapidement.
Avec la fatigue qui se fait ressentir, notre moral est un peu atteint.
Déjà trois heures que nous sommes partis, et nous n’avons pas passé le second col qui semble toujours aussi loin. De plus, la chaussée commence clairement à s’altérer. Le terrain a changé.
Nous ne roulons plus sur des pistes pierreuses et entourées de pentes arides caillouteuses. Le paysage est désormais une lande d’herbe verte et la piste présente des sections de terre dans lesquelles de rares camions ont creusé des ornières.
Brice décide de tenter un raccourci, mais la pente est trop importante pour le moteur anémique à cette altitude, et la moto tombe sur son flanc. Marion vient vite lui prêter main forte, mais un sprint à 4400m alt. c’est plus qu’épuisant : on se promet désormais de ne plus prendre de raccourci.
Nous continuons de remonter le cours de la rivière jusqu’à pouvoir la franchir. Ici non plus, pas de pont. On y va donc en essayant de ne pas trop se mouiller.
Le route n’étant que peu fréquentée, les lits des rivières ne sont pas aplanis par les plus gros engins.
L’épreuve est sportive, les deux gués d’eau sont d’ailleurs surprenamment profonds, mais ça passe.
Une fois la rivière franchie nous continuons notre route parmi une végétation de touffes d’herbe verte pour rejoindre le pied du col. Normalement, de l’autre côté, nous ne devrions plus être très loin du but.
Un peu plus haut, nous apercevons un groupe de trois cyclistes. Nous souffrons déjà du défi que nous nous sommes imposés, on a beaucoup d’estime pour ces trois types qui pédalent à plus de 4000 mètres d’altitude.
La montagne que nous gravissons est noire. Plus haut, on distingue la passe au pied d’un pic massif qui nous servait de cap depuis l’entrée dans cette vallée. Brice la surnomme la main : elle ressemble à un poing en l’air, les quatre doigts repliés et le pouce en retrait. Ce monticule intimidant, bizarrement préservé de l’érosion, se dresse au-dessus de nous, barré de couches de neige éternelle.
Si on n’emprunte pas les raccourcis, la route nouvellement creusée n’est pas trop raide. Néanmoins, le terrain est désormais clairement défoncé, les pierres agressives rendent la piste glissante, quand ce ne sont quelques flaques de boue, rares mais effrayamment profondes qui manquent de nous faire glisser dans le ravin.
Évoluant sur le versant Nord, des zones sont encore enneigées et le vent se rafraichit intensément.
À cette altitude et dans ces conditions, nos moteurs poussifs parviennent tout juste à nous faire grimper les derniers virages.
Après finalement 4 heures et demie de route, nous atteignons enfin le col de Singhe-la à 4952m au-dessus du niveau de la mer.
Nous sommes plus haut que le plus haut sommet européen, et pourtant, ce n’est qu’un col.
Malgré cela, peu de sommets nous dépassent. Nous avons plutôt l’impression d’être au-dessus des toits et de voir tous les autres, pointés au ciel.
Nous exultons de joie, pensant que le plus difficile est passé et que nous touchons bientôt au but.
Derrière nous justement, la piste blanche serpente le long du versant sombre de la montagne sous d’impressionnants pics acérés aux strates géométriques et aux marbrures bicolores bien visibles. La longue vallée coule et disparait sous le plafond nuageux grisâtre.
C’est clairement beau, imposant, mais surtout très très intimidant.
Nous gardons à l’esprit que malgré la difficulté, malgré les conditions, nous sommes privilégiés de pouvoir poser notre regard sur ces paysages perdus.
Mais nous ne pouvons refreiner le frisson d’angoisse qui nous parcourt l’échine quand on pense à notre insignifiance et notre éphémérité par rapport à notre environnement gigantesque, puissant et immuable.
Par delà le col, la vue s’étend sur des kilomètres dans un panorama pleinement sauvage.
Aussi loin que l’on puisse voir, les sommets enneigés viennent tutoyer les nuages.
Sur la gauche, une multitude de flèches nues acérées par l’érosion du temps et les vents vifs accentuent l’inhospitalité du tableau. Cette chaine en dents-de-scie plonge dans une gorge sombre.
Sur la droite, une paroi verticale de plusieurs centaines de mètres fond sur la minuscule petite route qui se dessine, maigre fil d’ariane qui nous relie à la civilisation.
Pour la rejoindre, nous descendons une piste étroite nivelée sur le versant extrêmement pentu de la montagne fermant le col.
La chaussée se définie par deux ornières de boue creusées par les quelques camions et engins de travaux œuvrant à la percée de la route et à l’installation de la ligne électrique. Les virages serrés sont en court de stabilisation, et ne sont encore qu’amas de cailloux ou rigoles creusées par les écoulements de pluie. En somme, rien de mieux pour se casser la figure. Il faut rester concentré.
Les rafales de vent longent le flanc de la montagne, se rafraichissent à leur passage sur les restes neigeux, et tantôt nous battent le visage, tantôt nous poussent dans le dos au détour d’un virage.
Il nous faut près de 40 minutes pour descendre les 7,5 km de virages.
Au bas de cette rampe, une cascade court le long du mur et pousse des cailloux dans le lit d’un étroit torrent qu’il nous faut traverser. Le passage est réduit, bordé par la paroi d’un côté et la falaise à-pic de l’autre. Et surtout, la sortie du cours d’eau se fait sur une section d’une dizaine de mètres de grosses pierres rondes qui nous font guidonner. Pas le meilleur endroit pour faire une chute.
Cette épreuve nous achève et nous faisons une pause en-cas/fruits secs dès le premier – mais malheureusement fugace – rayon de soleil. Marion n’en peut plus. Elle consulte la carte, regarde sa montre et s’impatiente.
Le village de Stayang, puis plus loin, celui de Lingshed, semblaient pourtant si proches sur la carte. On nous avait promis une bonne route, et nous nous retrouvons dans des conditions pénibles et qui nous semblent qu’empirer – à moins que cela ne soit encore une fois la fatigue qui nous joue des tours, noircissant encore un peu plus le tableau et nous rendant moins alerte.
Quelques kilomètres plus tard, nous arrivons à une bifurcation**.
À gauche, la route descend le plateau vers une gorge sombre. Elle devrait théoriquement mener jusqu’à la ville de Nerak, sur la rivière Zanskar. Nous choisissons d’aller à droite où la route continue à niveau le long d’un versant vert doucement incliné, menant à un étroit passage entre deux collines.
Le ciel se dégage petit à petit, et si les pierres et le mauvais état de la route entravent nos progrès, nous sommes contents d’avoir évité la pluie.
Nous arrivons soudain sur les hauteurs du cirque de Stayang au cœur duquel s’ouvre une large vallée.
En contrebas, le village dont les cultures en terrasse apportent une once de vie à ce paysage rocailleux et austère.
Dans leur partie basse, les versants dodus sont dorés par le climat sec, tandis que dans la partie supérieure, les falaises sombres et abruptes des montagnes rocheuses dressent leur sommet érodé dans le coin Nord.
La route contourne l’immense vallée en un fin ruban gris foncé pareil à une ligne de courbe, comme celles dessinées pour représenter les isométriques sur les cartes.
Au Nord, une pente en zig-zags de poussière relie la route au village siégeant au cœur de cette arène isolée du reste du monde la plupart du temps.
La large ceinture montagneuse nous impressionne tellement. Cet endroit est magnifique.
C’est « juste » de l’autre côté que nous allons, nous y sommes presque.
Nous roulons au pas. Les cailloux présents sur la piste, la falaise vertigineuse et la fatigue nous demande une forte concentration encore.
Nous passons un petit ruisseau, dont les eaux s’écoulent d’un glacier semblant disparaitre, puis poursuivons en longues courbes sur la piste tantôt d’ardoise, tantôt de pierre blanche jusqu’à rejoindre une rivière : celle que nous voyions au loin dans le coin de cet amphithéâtre. Un pont est en construction, mais en attendant son achèvement, c’est passage dans l’eau obligé.
Le courant semble assez fort, l’eau abondante et les rochers sont larges… La première est actionnée, les genoux bien serrés sur le réservoir, le regard au loin, et ça passe, les pieds presque au sec.
Nous doublons une série de tentes précaires d’ouvriers (Bihari ou Népalais), pour continuer notre chemin, toujours à niveau, jusqu’à rejoindre le bord opposé de l’hémicycle géologique.
Là, c’est bon, on devrait voir Lingshed.
Mais toujours aucun visuel de notre but. Au lieu de ça, nous arrivons sur une très belle enfilade de collines rondes et vertes.
D’ailleurs, à partir d’ici, plus aucune route n’est tracée sur nos cartes, et nous nous fions au bon sens en restant sur ce qui nous semble être la route principale et en conservant le cap vers notre destination.
Il est 15 heures et la lumière commence à prendre une élégante incidence faisant ressortir cette végétation nouvellement apparue, capable de résister à l’hostilité de cet environnement. Des plantes basses en touffes d’herbe verte, contrastant avec l’ocre de la terre. Le versant s’incline en pente douce, glissant vers le Sud-Est, et la vue se perd vers les montagnes au loin sous les nuages moutonneux.
Après plus de 6 heures de route, nous arrivons à un promontoire dominant Lingshed et sa vallée !
Le tableau est hors d’échelle.
Posé au pied de gigantesques montagnes démesurées, quelques minuscules points blancs sont disséminés sur un tapis de champs verts. Les parois de roches sont, comme fréquemment remarqué le long du chemin, le fruit de terrifiants et incommensurables efforts qui ont déchiré la croute terrestre et soulevé de plusieurs centaines de mètres ces géants de roches, mettant à nue les différentes couches minérales multicolores.
Nous entamons notre dernière descente le long de la route fraichement creusée.
La chaussée est large, mais le sol n’a pas été nivelé, et les cailloux et les pierres ne sont pas concassées. Les virages en épingle sont suffisamment larges, mais on a parfois la surprise de gros trous de près de deux mètres, tombant sur le vide et entamant la chaussée pile en sortie de trajectoire.
Sur quelques sections de plusieurs dizaines de mètres, nos roues s’enfoncent dans de profonds champs de gravier, perdant motricité et direction.
Nous avons dépassé le seuil de fatigue depuis longtemps et ce genre de difficultés nous achève physiquement.
Nous sommes à bout de force, et nous ne dépassons pas les 15km/h.
À mesure que nous perdons de l’altitude, et nous rapprochons de Lingshed, nous prenons la mesure des échelles. En face de ces colosses, et dans une moindre mesure, du petit village aux cultures en escaliers, les collines vallonées contrastent par la douceur de leurs velours et les rayons du soir accentuent leurs contours soyeux.
Nous sommes bientôt arrivés, incessamment nous pourrons mettre pied-à-terre, et prendre du repos.
Mais un dernier obstacle se dresse en travers de notre chemin.
Les engins de construction ayant buté sur un énorme caillou trop dur, ils l’ont alors contourné par le dessous, intimant une pente importante pleine de pierre et gravillons au chemin.
Marion reste en retrait. Brice s’engage donc sur cette pente, courte mais raide. Les roues s’enfoncent – notamment celle de devant – dans le gravier, et glissent, rendant les freins inefficaces. Il manque plusieurs fois de se casser la figure et de faire basculer la moto sur le côté. La fatigue, l’énervement, la difficulté de cette aventure nous met tous les deux à bout.
Le prochain virage est tout aussi pentu, avec autant de cailloux, mais la courbe le rend encore plus périlleux à passer.
Avant de nous y lancer, nous nous demandons si cela vaut le cout d’aller plus loin. Nous avons atteint nos limites. Est-ce prudent ?
Pourtant le haut du village, son héliport et, en fond, le monastère ne sont qu’à huit ou neuf cents mètres tout au plus. Mais descendre plus bas avec les motos impliquerait ne pas pouvoir les remonter au retour. Que fait-on ? On revient en arrière ? On campe dans le coin ? On décharge nos bagages et on laisse les motos ici ?
Finalement, nous décidons de rejoindre le village. Marion aide Brice à « accompagner » les motos dans leur descente et nous parvenons à passer les deux écueils sans incident. Un coup d’œil en arrière… On pensera au retour plus tard !
Nous sommes aux anges lorsqu’une fois l’héliport rejoint – seule vraie surface plane du village – nous garons nos motos à une encablure du gompa sous le regard goguenard des habitants locaux***.
Haaaaaa… Enfin !
Nous y sommes, nous avons réussi à rejoindre Lingshed !
Il est 16h30, nous pouvons désormais profiter de ce magnifique paysage dans ce village du bout du monde.
Wanla – Lingshed : 106km (07h43’) – done
Une fois un thé revigorant pris dans le bui-bui du coin, et avoir taillé le bout de gras avec une paire de moines du lama gompa (monastère) tout proche, nous partons dresser le camp.
Un campement de luxe (guide, porteur, chevaux et cuisinier) de trois allemandes – très sympa- en trek est déjà installé.
Cette animation soudaine, dans ce village du bout du bout est surprenante.
Alors qu’elle plante la tente, Marion fait la rencontre de trois nonnes, venues remplacer leurs bouteilles de butane, qu’elles portent sur leur dos. Leur chomo gompa (nonnerie) est à plusieurs dizaines de minutes en contrebas !
La plus téméraire nous invite à venir déjeuner le lendemain midi. Le rendez-vous est pris.
Après une rapide toilette de chat au pied d’une source d’eau fraiche, nous nous installons dans notre confortable tente, et attaquons la préparation de notre diner : ce soir, c’est nouilles instantanées à l’eau froide**** et samosa chauds, offerts par nos voisines allemandes. Ô luxe !
Le corps las, nous nous endormons dans le calme incroyable de Lingshed.
Quelle journée !
‘* « la » signifie col en tibétain, Zoji-la, Hamboting-la ; ce sont les cols de Zoji, ou d’Hamboting.
C’est d’ailleurs le même « la » que dans « Ladakh » – la région dans laquelle nous sommes : le pays des cols.
** Plusieurs jours auparavant – la dernière fois que nous avions accès à internet – nous avions convenu de nous retrouver avec Sjoerd et Manon. Il n’y a bien entendu pas de réseau téléphonique dans le coin. Mais nous pensions qu’il serait facile de se rejoindre sur cette presque unique route ou dans ces hameaux.
Comme ils avaient quelques jours d’avance, et qu’ils souhaitaient à la fois explorer la route menant à Nerak, et celle menant à Lingshed, c’est dans cette seconde branche que le rendez-vous était pris.
Sachant que nos copains sont passés par les même routes, virages et cols, nous pensions très souvent à eux « et ces profondes ornières, tu crois qu’ils les passent ? », « et cette pente raide et pierreuse, ils vont jamais pouvoir la remonter ! »… En minivan aux mini-roues…
*** Le village de Lingshed est installé le long d’un chemin de randonnée assez courue (plutôt marchée au regard des déclivités) et le village voit ainsi « régulièrement » des étrangers.
Mais alors que nous avions entendu que la route pour rejoindre Lingshed était finalisée, on réalise qu’elle était plutôt en cours d’élaboration !
Les derniers kilomètres de cette nouvelle voie sont de moins en moins praticables à mesure que nous nous approchons du village (une pelleteuse continue d’ailleurs de grignoter la montagne en contrebas de l’héliport).
On comprendra ainsi en arrivant à Lingshed que nous sommes ni plus ni moins les premiers motards à rejoindre le hameau.
**** Nous avons fait la connaissance de Sarah alors que nous étions au monastère de Tsong-De, dans la vallée de Zanskar. Sarah est Australienne, très bavarde et très sympa aussi. Ella a sillonné les cinq continents et est folle amoureuse de la France (« mais pourquoi vous venez ici ? vous avez déjà tout en France ? » nous dit-elle). Elle randonnait entre Lamayuru et Manali, se nourrissant de soupes instantanées, froides, nous expliquant que transporter un réchaud était inutile…
Ce sont pour nous, nos pires souvenirs culinaires de ces voyages au Ladakh.
Note – Nous écrivons ce post avec un mois de retard , mais aujourd’hui c’est l’anniversaire de Brice. Nous sommes à Pokhara, au Népal, en quete donc d’un brownie au chocolat 🙂
Très bon anniversaire Brice !! Encore un bien beau récit et de magnifiques photos. Bisous les amis
Hé bé…
C’est mieux qu’un polar !! Je vous embrasse.
Et bon anniversaire à Brice !
Fred la voisine du bureau qu’a demenagé !
Joyeux anniversaire Brice !
A Pokhara, si vous ne connaissez pas déjà, allez casser la croûte ici ! Vous me direz des nouvelles de leurs Samosas 😉 — Savour momo
Baidam Rd, Pokhara 33700, Nepal
https://maps.app.goo.gl/CrYr8Vv1HezwsisR6
Des bisous !
Charlene
Ouais, bon anniversaire… c’est normal que c’est vous qui nous offrez (encore) un cadeau avec ce joli post ?
En tout cas, à plus de 4 000 m. d’altitude, pas étonnant que vous ne croisiez pas âmes qui vivent. Vous parlez de stupas mais au jeu de « où est Charlie », je n’en ai vu aucune sur vos photos. Par contre, on aperçoit 3 motos à un moment : si y’a l’un de vous deux dans le groupe, qui étaient les 2 autres ? Vous n’avez pas fait la route ensemble jusqu’à Lingshed ?
Puis quand vous dites avoir parcouru 7,5 km en 40 min. (ça fait tout à peine plus e 11 km/h), on se dit que vous seriez allés aussi (voire plus) vite avec les 3 cyclistes croisés
Mais nan!
Les trois motos…
C’est trois fois Marion!
La stupa au sommet!
Sous le tas de drapeaux !
!!!ZABARDAST!!!
Bravo pour votre ténacité. Vous êtes humble, mais finalement rien ne vous arrête.
C’est peut-être ça le cœur de la bourlingue.
Quelle immensité.
Je comprends que l’on doivent se sentir si peu de chose dans ce décor infini.
Et pourtant nous avons tant d’impacts sur notre magnifique planète…
Il faut que nous préservions ces paysages magnifiques que vous traversez.
Merci de les partager avec nous les amis.
Je vous embrasse
Quel périple…. on ressent vos émotions au fil de la lecture!
Les photos sont magnifiques! Merci les amis! et gros bisous Brice pour ton anniv 🙂
Sublime !
Hellou coucou . Toujours à la bourre pour consulter vos posts.!!! ( heureusement que je suis à la retraite ). Merveilleux…ces paysages. Pas besoin de Photoshop à Photoksar, les couleurs sont d’origine. La phototriplette de Marion avec Pano c’est loin des prises de vues de Nadar.!! En tout cas je me suis régalé. Étonné au demeurant qu’après heureusement il y a l’ indus nous n’ayons pas eu droit pour celui-ci : « C’est fou le pierrier « . Allez au suivant j.en ai encore deux à lire. Heureux qu’avec le décalage je sache que tout va bien pour vous. Ils sont fous ces bourlingueurs !!! Bises. ppf.
He he he!
Pas mal « c’est fou le Pierrier! »
Joyeux Anniversaire Bricksman !!!!
Epoustouflant ce post !!!
Tellement epoustouflant que je l’ai lu une première fois sur mon telephone, et je l’ai relu sur mon PC pour avoir une meilleure qualité de photos!
Bravo pour l’effort et pour les prises de vue !
Un des plus beaux posts « minéraux » pour moi !!!
Pour ton cadeau brice, une ptite chanson de l’artiste qui a donné son nom à la montagne… (ou c’est l’inverse…ou alors ça n’a rien à voir…) :
https://www.youtube.com/watch?v=byu9gjUqeZg
Bisous