En quittant le Népal, nous suivons du regard les imposants sommets et leur pointe blanche alors que nous approchons déjà du plafond nuageux. Nous avons le cœur serré de quitter si « tôt » ce pays. Certes nous y avons passé trois mois merveilleux, mais notre oisiveté à Pokhara en à modérer la découverte, nous donnant l’envie d’y revenir.
Cependant, nous sommes également emplis de joie à l’idée de retrouver Michael, Marcus et Johana que nous avons quittés il y a quelques mois.
Aussi, pour l’heure, direction Bombay via Delhi, ou comment voler 6 heures, et traverser 3 mégalopoles aux indices de pollution qui explosent tristement les records*.
Bombay, nous revoilà.
Comme des habitués, nous sautons dans un taxi, empruntant les grandes artères de la ville en fin de journée, en direction de la ToWoWer des copains, passons le portique, les gardiens souriants, la fontaine illuminée, le lobby, l’ascenseur et son liftier, et rejoignons l’appart’ du 25ème étage, où Michael et Marcus nous accueillent chaleureusement.
6 mois se sont écoulés et pourtant, c’est comme si c’était hier.
Quel plaisir d’être ici. Quel bonheur de retrouver les copains !
Le confort et l’atmosphère qui règne dans cette maison nous apaise instantanément (malgré la déconvenue, à l’ouverture du sac de Brice, du pot de confiture de prune qui n’a pas supporté le voyage et s’est rependu un peu partout dans le sac-à-dos). Après une douche, plus que nécessaire, nous nous installons dans le salon pour papoter, le temps que Johana nous rejoigne (elle rentre de l’association LP4Y pour laquelle elle travaille, qui aide et encourage « l’inclusion sociale et professionnelle des jeunes des milieux défavorisés »).
Et c’est parti pour deux semaines en leur compagnie. Oui oui… deux semaines.
Le temps s’écoule différemment à Bombay. Il faut dire que nous mettons quelques jours à nous acclimater de nouveau à l’Inde. Le passage au Népal a été salutaire, notre tête et nos poumons se sont reposés et nettoyés. Or, en cette période de dense pollution, nous savons qu’il faut limiter nos déplacements et balades en extérieur. Et à vrai dire, il a fallu deux jours à Marion pour se décider à enfin quitter l’appart’ et rentrer de nouveau dans le rythme indien trépident.
Mais ce soir, nous sommes invités à rejoindre le roof-top de LP4Y, pour une soirée en compagnie des sympathiques collègues de Johana.
En attendant, nous passons l’après-midi avec Michael et quelques bières dans un bar branché de Bandra (Johana interviewant l’écrivain Patrick Deville au Festival de Littérature), avant de monter dans un taxi pour rejoindre le nord de Bombay.
L’association est installée à 20km plus au Nord, dans le quartier populaire de Malwani en lisière de bidonville, et il nous faut quelques 2h30 pour rejoindre la paisible maison dans laquelle l’association est installée.
Quand on parle des échelles démesurées des villes indiennes…
L’accueil de cette équipe – 100% féminine – est chaleureux, et nous sommes impressionnés de leur énergie et courage. Installés sur le toit, la vue sur Bombay au loin, quelques feux d’artifices et les mangroves en contrebas nous passons une agréable soirée avec les amis de Johana.
Si ce ne sont la chaleur d’un mois de Novembre subtropical et la litanie émanant de la mosquée toute proche, on pourrait se croire en France et alors que nous trinquons et discutons, nous réalisons doucement que nous sommes bien arrivés en Inde.
Ça y est, nous atterrissons. Petit à petit.
Nous profitons des copains le week-end, entre courtes balades**, repas parsi, apéro’, bon vin et bon temps.
On reprend nos habitudes de Bombay, de ce rythme facile qui s’installe.
Nous partons nous promener dans le quartier de Malabar Hills, errant dans les rues arborées aux façades flétries.
Accompagnée de notre traditionnelle guide, Johana, nous passons par un temple où se promènent quelques paons, un jardin rempli d’amoureux enlacés, le calme bassin de BanGanga ou les ruelles colorées d’un petit quartier des dobby wala faisant face à la Mer Arabique, endroit certes pas des plus propres, mais qui a son charme local et son identité olfactive.
Un énorme sandwich riche en oignon, chutney vert et pomme de terre pour Brice, spécialité de Bombay – alors que nous sommes en pleine crise du tubercule, un tour au supermarché pour explorer ses allées et nous imprégner des multiples épices, des couleurs de dal ou des variétés de riz, des trajets en train de banlieue, des encas samosa et des lassi, des jus de canne à sucre ou des chai, des pav, ou des douceurs de chez Theobroma ou Swati. Ces balades nous réconcilient avec l’Inde.
Certes, nous n’étions pas fâchés, mais nous sommes toujours emplis de sentiments contradictoires quand il s’agit d’évoquer ce pays aux stimuli multiples.
Nos déambulations urbaines nous gratifient de richesse culturelle et sociétale qui nous plaisent tant, et que nous recherchons.
Alors que nous débarquons à la gare de Churchgate, c’est au tour des tiffin wala de faire leur retour. Et à vrai dire, même si nous nous étions déjà rencontrés la fois précédente, l’étonnement opère de nouveau alors que nous observons ces hommes à vélo, lourdement chargés des lunchbox à distribuer.
Les architectures indo-sarracéniques aux massives pierres rouge et ocre, la porte de l’Inde et son parvis à selfie (construite pour commémorer la visite de la ville par le roi George V et la reine Marie en 1911), l’improbable Cercle Littéraire franco-iranien et sa collection antédiluvienne de romans divers et variés, les rues débordantes de vie et d’animations, les vendeurs de custard–apple, les étals de fleurs, les magasins de photocopies Xerox, les bus au klaxon enrhumé, les vieux taxi Padmini, les micro-échoppes bariolées de tickets de loterie, les jolies boutiques de fringues et les voies rapides aériennes…
Bombay nous étonne à chaque fois. Et tant mieux, même si cet environnement est fatigant.
Nous apprécions ainsi d’autant plus les moments calmes en « famille » surplombant le tumulte depuis le balcon.
Avec Marcus, on passe du bon temps à chercher Charlie ou construire un univers coloré autour du train électrique. Brice et Michael se font une partie de foot*** un dimanche matin, avec les autres copains de la tour, on commande un délicieux biryani d’Hyderabad aux saveurs sucrées, on se fait quelques allers-retours à la piscine et nous dissertons de longues soirées.
Les journées défilent sans que nous nous en rendions compte.
Johana et Michael étant pas mal occupés – lire « ils travaillent, eux », nous prenons aussi le pli en nous installant au café de la ToWoWer pour avancer au blog et étudier notre itinéraire dans l’Inde du Sud.
Vendredi soir !
Nous retrouvons Michael au pub du coin, presque comme un bar à Paris pour une pré-soirée. Bières pression et cacahouètes, ce soir, on sort !
Nous passons la soirée dans un resto’-boite à nous déhancher sur de l’eurodance, puis du bollywood électro****… et ça aussi, ça fait du bien.
Nous rencontrons des copains des copains, pour un apéro-couscous hyper bon de dimanche soir, ou pour aller visiter, en compagnie d’Hélène et Johana – entre autres – le village de pêcheurs de Worli aux maisons et bateaux bariolés, installé au bout d’un cap qui faisait auparavant face à la mer.
L’ambiance de ce village est sereine, on sent que les gens qui y vivent partagent leur quotidien, parenthèse dans le chaos impersonnel de la mégalopole mumbaikhar.
On profite du calme pour se poser et observer la baie et le sea link qui la traverse désormais.
Sur la grève, les corbeaux sont à l’affut, tandis qu’abrités sous des bâches, les pêcheurs sont en train de vider les filets : les poissons ne sont pas bien gros, ni bien nombreux.
Assis sur des marches, nous contemplons tristement la quantité de déchets qui parsème les berges et flottent à la surface des eaux troubles. Le moral en prend un coup.
Nous rejoignons plus tard le centre du village et sa rue principale où nous retrouvons le brouhaha, les klaxons, et la vie agitée, et filons à Bandra nous balader encore une peu avec Johana.
Bandra, c’est un peu le quartier facile de Bombay. De nombreux expat’ et stars bollywoodiennes s’y sont installés, et on comprend pourquoi. Cet endroit ressemble à une petite ville, où les jolies boutiques côtoient les marchands de fruits aux étals abondants, les bars branchés ou les marchands de vin.
Nous passons par la librairie qui-va-bien et nous posons pour un copieux café-pâtisserie dans un salon de thé-boulangerie français.
Ces flâneries sont agréables, du temps simple en compagnie de Johana qui s’occupe bien de nous.
Et puis il faut se rendre à l’évidence. Cela fait maintenant deux semaines que nous squattons chez les copains, il est temps de partir.
Nous avons réussi à réserver un train de nuit en sleeper***** pour Hyderabad, à « seulement » 17 heures de train de Bombay.
Nous quittons les copains avec la drôle impression de les abandonner, et nous, de nous jeter sans filet dans le cœur de l’Inde.
Nous montons dans le taxi en direction de la gare de Dadar.
Cette heure tardive est celle du marché aux fleurs, et nous sommes déposés dans ce chaos organisé d’échoppes colorées tenues par des vendeurs à la voix puissante.
Nous en prenons plein les narines – et les oreilles. Ce bain olfactif nous donne le sourire, avant de rejoindre la torpeur du quai de la gare, certes plus calme, mais où les voyageurs doucement se rassemblent alors que l’interminable chaîne de wagons entre en gare.
‘* Début Novembre, les conditions atmosphériques à Delhi sont effroyables. Et en survolant ce que l’on devine être la capitale indienne – tant le smog est dense, l’angoisse de nous retrouver au cœur de cet épais nuage de particules apparait.
Nous apercevons le sol seulement quelques dizaines de mètres avant d’atterrir, et faisons quatre heures d’escale à Delhi. Ce n’est pas de trop pour changer de terminal en prenant un bus surchargé dans une organisation chaotique. Welcome back to India !
Dehors, un voile de brouillard enveloppe les arbres, les rues et les gens… C’est effrayant.
Nous retrouvons ce même voile à l’intérieur du terminal. Que sommes-nous en train de respirer… Et déjà nos gorges commencent à être encombrées.
Cette pollution, qui recouvre la grande partie Nord-Ouest du pays, est due aux brûlis des cultures, pratique pourtant interdite mais encore courante dans les états alentours.
Bombay se retrouve aussi sous un voile de pollution, beaucoup moins trouble, invisible et donc plus insidieux, à cause d’un dérèglement des saisons et des moussons qui bloquent les vents et empêchent l’air de se renouveler.
** Le temps est « brumeux », nos copains surveillent attentivement les chiffres de pollution, les assainisseurs d’air de la maison tournent à plein régime, et nos gorges sont rapidement encombrées lors de nos escapades à l’extérieur.
*** Cela doit faire 15 ans que Brice n’avait pas joué au foot. Et à vrai dire, ce rendez-vous du dimanche matin s’avère être un vrai entrainement, deux fois 45min, en équipe de 6, ça ne rigole pas.
Marion et Johana les retrouvent 1h30 plus tard, complètement épuisés et courbatus… mais Brice est assez fier de sa performance, bien meilleure que dans ses souvenirs.
**** Dès les premières notes de la mélodie bollywoodienne, les Indiens sautent tous en l’air et alors que nous étions précédemment les seuls à danser, il n’y a désormais plus de place sur la piste. Ils connaissent tous les pas et les chorégraphies… Une nation de danse !
***** Pour la première fois dans l’histoire de la bourlingue, nous sommes parvenus à acheter des billets en quota touriste.
En effet, il existe, pour quelques trains seulement, une poignée de places réservées pour les touristes. Bien entendu, nous n’avons jamais réussi à tomber sur le « bon » train, ou à réserver à temps.
Mais aujourd’hui, ce billet est de bon augure pour la suite de notre périple.
Si mes souvenirs sont bon, Brice est aussi bon au foot qu’il est mauvais en cuisine.
Ravi de voir que vous pouvez passer du temps avec les potes, et que vous avez repris en épaisseur.
He he .. j’ai été étonné, en revoyant ces photos, de voir comme en effet nous étions bien minces!
…par contre, je me suis surpris à n’avoir pas été si mauvais au foot!
Ai-je loupé ma voie?!
Ca fait plaisir ces posts « urbains » où l’on voit pas mal de photos de vous.
Si y’a des coins qui donnent envie, les images de déchets sur le littoral, ça fait peur. Même en se disant que y’a des mets délicieux, je sais pas si j’oserais manger dans les buibui, mon estomac n’étant pas aussi accroché et entraîné que les vôtres
Coucou les potes!
Marion, que tu n’es pas sortie de l’appart pendant deux jours pour évacuer le stress de l’avion………la pollution…….;) tu as pleuré un peu?
Quel changement dis-donc. Passer des sommets des Anapurnas à Bombay…même moi ça me stresse. En tout cas, je m’imagine difficielement visiter cette ville, de façon aussi intéressante que vous le faites sans le guide Johana. Un grand big up à elle.
Sur une autre note: attention au foot après 35 ans… les genoux n’aiment pas. Je serais toi, je ne tenterais pas l’opération de reconstruction du ligamente croisé en Inde… :
Un abrazo