Comme deux coqs en pâte

Après deux mois de vacances en plein air, la nouvelle tombe : les établissements touristiques peuvent enfin ouvrir. Quelques rebondissements plus tard, nous nous retrouvons tous les deux à travailler dans le même hôtel. Luc et Valérie, les gérants du Grand Tétras nous accueillent comme saisonniers en ce mois de Février.

Brice s’installe dans la bonne humeur de la cuisine aux côtés de Tonton pour seconder Luc afin de préparer et concocter les bons plats pour les convives randonneurs. Épluchage de légumes et de pommes de terre, préparation des viandes et des desserts. Marinades et salades. Les fours, les fouets, la friteuse, les pianos, les popotes…les réserves et les frigos !! Tout est énorme, et Brice s’amuse comme un fou.
Marion s’occupe des chambres et du service le soir, en compagnie de Valérie, Noémie et Antoine, ses collègues de saison.
L’atmosphère est sympa, l’équipe aussi.

Les journées sont décontractées, et l’ambiance est chaleureuse même lors des coups de feu du soir.
Il faut dire que le service en chambre impose de nombreux allers-retours et des montées d’escaliers à travers les cinq étages, des coups de fils intempestifs et surprenants, et une organisation méthodique.
Mais tout se fait sur fond sonore éclectique de RTL, the Cure ou Dalida; et les services se terminent toujours – une fois la cuisine briquée, le “bob” passé, et les petits déjeuners préparés – par un petit remontant autour du bar tous ensemble avant de rentrer nous coucher.

Nous randonnons encore un peu mais avec avons tout de même drastiquement réduits nos sorties.

Notre rythme s’est accéléré, et nos journées sont bien remplies. La fatigue du travail nous impose du repos, même lors de nos pauses entre treize et seize heures.

Ainsi, Jojo – à la générosité intarissable – nous installe, au pied de l’énorme mélèze devant le caset, un banc, des coussins et une table. Notre nouveau spot pour lézarder, bouquiner et organiser des goûters avec les copains en profitant des chauds rayons de soleil des après-midi.
Cela nous permet de recharger nos batteries avant de reprendre le travail pour le service du soir.

À mesure que nous nous rapprochons du printemps, les chutes de neige se font de plus en plus rares, et la terre se réchauffe.
Une fois encore, nous en avons bien profité.
Il fait bon, il fait beau. On retire nos épaisseurs, une couche après l’autre, laissant discrètement réapparaître notre blanche chair.
La vie réapparaît.

L’herbe dorée et grillée refait surface, et jour après jour, le paysage se transforme. La neige fond rapidement, les gouttières chantent, remplie d’eau qui coule.

Les crocus apparaissent, tout comme les marmottes, qui sortent de leur longue hibernation. Lentement, les couleurs fond surface. Les champs verdissent, laissant ici et là quelques épaisses névés. Les bourgeons se préparent à éclore sur les branches dégarnies. Les oiseaux sont de plus en plus nombreux à mesure que le village entre en intersaison.

À l’hôtel aussi, le rythme ralentit. Les repas de service le midi se font désormais en terrasse. Café tranquille, nous admirons la Nature se réveiller.

Nous reprenons petit à petit nos randonnées, mais les raquettes et les planches sont definitivement rangées. Le paysage se dévoile à nous autrement, faisait apparaître les sentiers estivaux.

Fin Mars, l’hiver peine à disparaître. On randonne les bras à l’air mais il n’est pas extraordinaire de se réveiller sous une couche de neige ou dans une épaisse nappe de brouillard mystique.

Début Avril, un nouveau confinement tombe. Les derniers clients partent, l’hôtel ferme, on range. L’occasion d’un dernier gros repas avec l’équipe de l’hôtel.
Notre petite saison se termine.
Nous faisons encore quelques randonnées comme “sorties autorisées”, profitant de ce paysage changeant.

Nous rejoignons l’Observatoire, au Pic de Château-Renard, point culminant du massif à près de 3000m alt. Nos poumons sont désormais bien rodés. De là-haut, nous embrassons des yeux une dernière fois le Queyras.

Nous profitons. Nous sommes bien ici, nous nous sentons bien.
Ce relatif isolement, cette nature, ce rythme, les montagnes, les oiseaux, les sommets intimidants, ce ciel, ce bon air, ce silence et cet écho, les fustes, les tas de bois, les sorbiers, les gens.
Notre quotidien.
Oui, nous nous y sommes sentis accueillis.
Nous ne pensons pas trop à “la suite”, et on se dit que rester encore dans ce cadre pour plusieurs semaines nous conviendrait pour réfléchir à nos futurs projets.

Malheureusement, des complications dans la famille de Brice, et les soucis qui en découlent nous font quitter ce paradis dans la précipitation.
Nous n’y étions pas préparés et avons le cœur gros à l’idée de partir.

C’était simple, c’était beau.
Que c’était bien.
Notre demi-saison au sein de l’équipe du Grand Tétras, les balades, raquettes aux pieds, à l’affût des traces du lièvre variable, ou des galeries de fragiles mulots.
Le ciel bleu profond qui rend la neige encore plus blanche.

Les copains à coté, le poêle à bois, fidèle compagnon du caset, qui nous réchauffera jusqu’à notre départ début Avril.
Tiens ! on s’est même pacsés à St Véran.
Un joli tampon du plus haut village d’Europe sur notre Ėtat Civil.

Nous profitons du premier barbecue de la saison avec les copains, avant de reprendre la route, la voiture, équipée de pneus-neige qui ont bien adhéré, d’un démarreur qui n’a pas suffi, le réservoir du lave-vitre vide, mais surtout la voiture chargée de pulls épais, pantalons chauds, lunettes UV4, snowboards et raquettes, chaussures et chapkas fourrées.

On reviendra.

Nous redescendons de la montagne un peu tristes en regardant le paysage s’aplatir, et prenons la transversale, direction les Pyrénées-Orientales et le printemps.