De la terre cuite au béton

Le réveil est difficile ce matin à Xiahe. Il y a 1cm de neige dans la rue, il est 5h30 du matin, et il fait encore bien noir et bien froid. On enfile nos 20 minutes de marche à vive allure.

Ouf, le bus est là, deux trois baozi bien chaudes en guise de petit dèj’ et hop on est partis.
On redescend de la montagne, le jour se lève petit à petit et 4h plus tard, nous arrivons à Lanzhou, une ville qui n’a, à priori, aucun intérêt. Plutôt moche même (enfin, c’est notre furtif et unique aperçu) ! On trouve, dans la foulée, un billet de train pour Xi’an. La voie ferrée longe le fleuve jaune qui méandre entre de grandes montagnes vertes et quelques heures plus tard (9 heures tout de même !) nous arrivons à destination.

Notre hôte, n’ayant pas confiance en nos capacités à se localiser dans la ville, vient nous chercher… 45 min. en retard (les Chinois ont tous peur que nous nous perdions !). Un petit coup de bus, un petit coup de métro et hop !, nous sommes dans le quartier de Chang’an chez Chris. Il parle anglais comme un américain, et après avoir passé deux ans et demi en Angleterre, il ne pense qu’à y retourner… il a un double mal du pays : il veut retourner en Angleterre et il semble haïr la Chine, viscéralement : le bruit omniprésent, la rudesse des gens, le manque d’hygiène… et puis il a un besoin profond de liberté.

En arrivant il nous dit « pas d’eau du robinet, pas de street-food, et pas d’ ‘assis dur’ »… mince ! nous adorons la street food chinoise et on ne voyage qu’en ’assis dur’… il faut dire qu’il est la seule personne qu’on connait à laver son linge avec un antiseptique/anti-bactérien/anti-tout et à avoir un savon spécial pour nettoyer les fruits.Donc, c’est sûr, la Chine ça ne peut pas trop lui convenir.

Xi’an est renommée pour être la ville point de départ de la route de la Soie. Et si elle a été la première plus grande mégapole mondiale à dépasser le million d’habitants il y a plus de 1000 ans, son histoire est encore plus ancienne puisque de nombreuses dynasties antérieures en avaient fait leur capitale.
Le patrimoine de la ville et de la région n’est donc pas trop mal.

Ça tombe bien, on a prévu de rester quelques temps à Xi’an pour y étendre notre visa. Déjà presqu’un mois en Chine… et nous n’avons « encore rien vu »…
Lundi, passage donc au Bureau de Sécurité Publique pour remplir tous les papiers.
Chris nous accompagne. On arrive enfin au BSP (après s’être arrêté trop loin avec le bus, et avoir pris un autre bus dans l’autre sens pour deux stations parce qu’il a peut-être un peu mal au pied). On monte les deux étages et hop, on commence à remplir les papiers dont ils ont besoin etc.
Et puis la fille du BSP nous dit qu’il faut aller au BSP local où habite Chris pour qu’on se fasse enregistrer.
Ok, donc direction l’autre BSP. Et là, les policiers commencent à lui poser 3000 questions. Et pour qu’on se fasse enregistrer, il faut que lui apporte ses quittances de loyer, et tout un tas de papiers justifiant que l’appartement est bien à lui…
Bref, on est plutôt mal à l’aise du dérangement. Ça sent l’embrouille… et comme aujourd’hui, l’imprimante du BSP ne fonctionne pas, on ne pourra pas s’enregistrer (… !).
Afin de ne pas attirer d’ennuis à Chris, on part en ville se prendre une nuit dans une auberge (parce que les auberges t’enregistrent automatiquement), mais on dormira chez Chris et on aura notre papier le lendemain matin.

La chef responsable au BSP est hyper sympa. On papote bien avec elle, autour d’une grande carte de la Chine (et une autre carte du monde, où la Chine est placée au milieu, et pas l’Europe !), d’où nous venons, où nous irions… Elle vient de Dalian, Brice y a travaillé, elle a de la famille dans le Fujian, Brice y a travaillé… Elle accepte de nous faire notre prolongation pour vendredi. Trois photocopies et une photo plus tard, notre visa est entendu pour 30 nouveaux jours! Il ne nous reste plus qu’à programmer un peu la suite du voyage !

Le reste du temps, on se balade dans Xi’an, alternant grandes avenues et hauts immeubles avec petites ruelles. Les épais remparts millénaires de 14 km qui entourent le « centre-ville » forment un beau quartier rectangulaire de quelques km² (4.5 km x 3 km tout de même !).Pris d’une envie de marcher, on essaiera naïvement de relier le quartier de Chris’ à la porte Sud des remparts… On s’arrêtera après 8 km de traversée des paysages urbains, d’échangeurs autoroutiers, de lignes à hautes tensions, d’immeubles copiés-collés (pas x1 ou x2 mais x10 !), pour se retrouver dans le « petit » quartier de Xiaozhai où tous les soirs, au même endroit, nous mangions avec Chris’… car « c’est plus propre ».Mais la ville est agréable, « quand même ».

Petit passage à la mosquée de Xi’an. Une mosquée toute en pagodes (ben oui ! on s’attendait à quoi ?) où on entrera par l’entrée des fidèles en sympathisant avec de vieux papys à base de salamwalekoum.Il y a plein de magasins, et l’envie de renouveler notre garde-robe se fait sentir (9 mois avec les mêmes fringues c’est lassant, surtout que nous avons pu enfin nous peser, résultat des courses : – 6kg pour Brice, – 7.5kg pour Marion).
Mais ici, c’est l’hiver, il fait frais, et on part vers le sud, direction soleil et douceur. Donc la-jolie-jupe-trapèze-qui-irait-trop-bien-avec-mes-bottes restera sur le cintre. Et pas un seul magasin de vend de t-shirt pour Brice – même pas Uniqlo ! Tant pis, on verra plus tard.

Et puis, pas loin, il y a surtout les soldats de l’armée de terre cuite ! Il y a beaucoup de monde et comme à l’accoutumé, ça coûte cher et c’est très dirigé. Mais c’est très très impressionnant !
Il y a environ 2000 soldats mis à jour, mais on estime qu’ils sont plus de 6000.
Des archers, des cavaliers, des officiers,… tous sculptés et modelés à l’échelle et tous avec des visages différents. Les fosses sont énormes et sur place, de nombreux archéologues travaillent encore sur les fouilles. On s’y balade longuement, étonnés de la mégalomanie de l’empereur militaire Qing (prononcé Tsing – il aurait donné son nom à la « Chine »). C’est tellement un travail titanesque. Et c’était il y a 2000 ans !

La superbe expo’ du musée attenant (délaissée par les touristes chinois) nous permettra de les contempler de près, afin d’apprécier le travail de sculpture et la précision du détail. Même les lacets des chaussures sont représentés.

On ira également visiter le mausolée de Han Jing. Une perle archéologique qui n’attire pourtant pas les touristes.
Et au lieu de trouver des soldats en terre cuite, on y trouve tous ce qui attrait à la vie quotidienne. Poteries, chars, poules, cochons, brebis, vaches, chiens, … plus de 50000 et tous sculptés en terre, et bien rangés dans les fosses du mausolée.Les petites statuettes, étaient à l’origine, habillées de vêtements de soie. Leurs bras articulés, en bois, ont disparu avec le temps. Celui-là d’empereur aussi était mégalo’, mais contrairement à Qing, il s’inspira du concept taoïste du Wuwei « non-agir non-intervention » en préférant diplomatie aux campagnes militaires… et cela a plutôt bien fonctionné puisqu’il a grandement modernisé le pays techniquement et socialement.

Enfin, on passe 6 jours à Xi’an, redécouvrant ce qu’est une grande ville chinoise de plusieurs millions d’habitants. Et c’est hors d’échelle!

Note 1: L’eau du robinet n’est pas potable, et les Chinois ont l’habitude de sa balader constamment avec leur petite thermos de thé ou d’eau chaude (habitude que l’on a rapidement adoptée). Partout, on trouve de la kaishui (eau chaude) : à la gare, dans les malls, dans le train…
Ce qui fait des rayons énormes de thermos dans les magasins.