Tezpur n’est pas plus intéressante qu’Itanagar, mais c’est pas si mal d’être arrivés un peu en avance. On prend nos marques, on se renseigne, on fait connaissance… car Holi nous fait tout de même un peu peur. Certains – et pas que des étrangers – nous raconte qu’il peut y avoir des débordements, des cohues, et puis Holi, c’est la fête où tout le monde s’amuse, picole, s’emporte… c’est LA fête des désinhibitions et tout le monde vire très vite crazy. Donc on prend des infos pour faire bonne figure, ne pas être perdus et ne pas arriver comme un cheveu sur la soupe. Dans les rues, les stands annoncent la fête : poudres et pigments de toutes les couleurs côtoient pistolets à eau et bombes de mousse… On déambule aussi parmi les étals de bananes, de fruits, de viande ou d’articles domestiques. On fait trois fois le tour de la ville, à deux reprises, on va voir les berges du Brahmapoutre, on prend notre temps. Mais, tout le monde nous court après, nous interpelle gracieusement, … s’ensuivent alors les habituels « where are you from? What is your good name? »… et comme à Sivasagar – lors de notre premier passage en « terre Hindi » – les gens sont accueillants, et ça nous allège le cœur, on se dit que ce n’est pas plus mal de venir passer Holi dans une petite ville (près de 200 000 habitants tout de même) où tout le monde nous reconnait dans la rue au bout du deuxième jour et veut nous offrir le thé, ou payer nos gâteaux. Dans cette région, Holi se déroule durant deux jours. Le premier est religieux, les gens vont au temple en famille, déposer quelques pincés de poudre sur les représentations des déités hindous, et les éléments sacrés, arbres, vaches, caillou magique… C’est ainsi qu’une jeune fille, venue prier avec sa maman, vient à notre rencontre et nous dépose avec la plus grande gentillesse, et le plus grand soin nos premières traces de couleur sur le front et les joues… C’est plein de douceur, peut être empli de sacré, mais en tout cas chaleureux de sincérité.Ce sont nos premières marques de Holi. Un beau souvenir.Plus tard, on aura droit à nos secondes marques, mais beaucoup moins riche en poésie et en sentiment, deux-trois types contents de faire une victime foreign’ … et puis… plus rien, cette première journée n’est pas celle de la fête, ok, très bien. Au détour d’une rue, alors que nous mangions un plat de riz à quelques rupee, on croise Rachel et Xavier, arrivés la vieille. On sera les seuls loawai de Tezpur. À la nuit tombée, attirés par les rythmes des tambours et la mélodie des chants, on entre à l’improviste dans une salle. L’auditoire, tout comme les danseurs sont habillés de blanc. Très vite, Xavier et Bric’s sont contraints de rejoindre la ronde, et de danser… au milieu de tous ces hommes (!!?!) ça sent le musc et la sueur, on se touche, on tortille des fesses… Les filles sont invitées à se joindre à nous, mais refusent poliment. La piste de danse est exclusivement composée d’hommes (quelques femmes parsèment l’audience, mais elles se comptent sur les doigts d’une main). Cette ambiance purement masculine n’est pas très agréable, on ressent un déséquilibre, un manque d’harmonie, ou peut être un simple manque… …plus tard dans la rue, ce même groupe nous invite à une procession suivi d’une cérémonie… on sera rassurés par Megha et son père Rajish qui nous accompagneront pendant les 24 heures à venir ! Tout le monde se rassemble devant un grand bûcher, les gens y déposent des offrandes, des gâteaux et de petits anneaux de terre cuite… qui seront ensuite brûlés et calcinés comme il est de tradition. Brice tourne 7 fois autour du bûcher accompagné du frère de Rajish et sa fille de 7 ans. Au 5ème tour (ou 4ème ?!), il se voit offrir un morceau de papel (une galette « chips » indienne aux épices), qu’il doit manger tout en tournant. Pendant ce temps, Marion papote avec d’autres oncles et cousins, et reçoit des cendresdu bûcher. Elles nous porterons bonheur pour l’année à venir. Megha, bien que très jeune (une quinzaine d’année) est très intéressante, et surtout très sympa. Elle prendra l’initiative de nous inviter le lendemain pour que nous célébrions Holi « en famille ». La foule demeure encore très masculine, malgré la présence d’une poignée de femmes. Comme de nombreuses fois depuis que notre départ de France, on demande où sont les femmes… mais quel que soit le pays, la réponse est toujours aussi floue. Ces évènements seront la source d’une intéressante et délicieuse surprise. L’Inde au-delà du chaos de la société, de la pro
miscuité et de la pollution omniprésente dévoile une toute autre facette. La frénésie des villes, la démographie incontrôlée et ses travers laissent place au sentiment plus fort et à la découverte d’une société culturellement riche et millénaire. C’est à la fois apparu progressivement et soudainement, comme une image qui s’affadit pour en découvrir une plus profonde. Ces danses, puis plus tard les traditions autour du grand brasier… tout cela nous fait oublier les ordures jonchant les rues, la surpopulation urbaine, le bruit omniprésent des rues. On a même peine à croire que c’est le même pays… Il s’avère d’ailleurs que ces danses et traditions – ainsi que les personnes qui y participent et nous y invitent – sont originaires du Rajastan, région du centre de l’Inde, centre historique du pays. Le lendemain, c’est Holi… Pffff.. on n’est pas hyper rassurés, on se dit que de belles cibles toutes « blanches », ne vont pas passer longtemps inaperçues, d’autant plus qu’en passant la tête par la fenêtre on voit bien que la fête a déjà commencé pour certains. La veille, on a passé une bonne heure à arranger nos appareils photos pour les rendre étanches à la poussière et aux jets d’eau.On sort nos habits les plus pourris. Un an avec les mêmes fringues, on a l’embarras du choix, contents de se séparer de certains vêtements. Et on s’aventure dans la rue. C’est encore calme, et malgré deux-trois marques sur les joues, on rejoint Xavier et Rachel puis Megha et son père chez eux. Ouf, on est encore présentables. Plein d’enfants sont présents, encore propres… mais avec des sacs plein de poudres de couleurs. Et doucement, on ouvre les paquets de pigments, et dans un arc-en-ciel, tout le monde se souhaite un joyeux Holi (il est de coutume de colorer en retour la personne qui vous colore). Des fumigènes de couleurs sont allumés, au début on s’appose, puis on se lance des couleurs et de l’eau… C’est très bons enfants, c’est familial. On aperçoit les différentes couches de couleurs. Bleu, rose, rouge, marine, jaune, vert, … tout s’accumule, et se superpose ! On profite des joues des enfants toutes douces, et eux prennent un malin plaisir à colorer nos bras et nos pieds blancs des couleurs du moment. Après cette première phase colorimétrique, on part rejoindre les festivités dans la ville. Dehors, les gens sont verts, violets et rouges. Certains sur leurs motos, d’autres aux téléphones. On assiste à des scènes de vie totalement normale… mais avec des types bariolés… comme si de rien n’était. Normal. Enfants, adultes et même certaines vaches sont colorés. Et doucement, on approche de LA fête. Le groupe de musiciens du Rajastan, rencontrés la veille, sont en train de danser. Tout le monde est multicolore. Les gens nous reconnaissent et rapidement se précipitent vers nous pour nous enduire de couleurs par paquet, et nous souhaiter un joyeux Holi. Du rouge. Et du vert. Et du jaune. Et encore du rouge. Brice et Xavier, comme la veille, sont invités à danser. Les femmes (on est les seules avec Megha) restent sur le côté. C’est peut-être pas plus mal. L’ambiance est un peu euphorique….
On nous prend en photo, on est interviewés par la télé, on danse, on mange des petites bouchées d’une pâte de feuilles de thé C’est bon ? c’est pas très bon… nan nan merci… ah si quand même ? mais ça croque là… vous avez laissé les coquilles d’œuf ? faut que j’en reprenne ? ahhhh… beurk.On prend des couleurs, on donne des couleurs, … La musique vibre, les fumigènes offrent de jolies fumées bigarrées vertes et oranges, chaque morceau de visage est recouvert de cette poudre, les pigments agissent, c’est un film tout en couleur qui se déroule. L’ambiance monte, la pression se fait plus forte, les gens veulent tous avoir leur photos avec nous, les filles sont les plus plébiscitées… Une fois de plus, progressivement et sans le voir venir, on est submergés par cette foule. Heureusement, il nous suffit de s’écarter de quelques dizaines de mètres, et on est déjà hors de portée… qu’est-ce que cela aurait été dans une grosse ville, et qu’est-ce que cela aurait été si nous avions été seuls ?!! Il est temps de rentrer chez Megha. Pfiou… la folie du moment redescend un peu, on se sent tous un peu étourdis… Nous papotons et discutons avec Megha, on se sent lourds et légers, euphoriques des couleurs qui persistent encore sur notre rétine. Quand soudain Rachel, ne peut contenir sa nature américaine et s’écrit « What da fuck !!» Un éléphant apparait, passe le portail et progresse vers nous. Un éléphant au front bariolé. Dans la cour. On est comme 4 enfants. Trop émus par cet animal sacré. On l’observe et doucement, chacun de nous commence à se sentir bizarre… Ça y est. C’est l’effet des bouchées vertes de feuilles de thé, qui fait effet… Parce que bien sûr, on l’a su qu’après les avoir manger. Ça n’est pas juste des feuilles de thé ou même peut être pas du tout, et l’effet narcotique commence à se faire sentir. Heureusement que Rajish nous a plus ou moins prévenu : Xavier n’a ingurgité qu’une bouchée, tout comme Megha (qui auparavant avait dit à Brice « ohhh mais nan no problem, c’est very tasteful ! »). Rachel et Brice deux et Marion trois. Allez, allez, on est invités. Il y a un éléphant qui est venu nous voir. On fait un effort, mais l’après-midi qui va suivre sera difficile. Rajish nous invite à déjeuner et nous emmène dans un bon resto’, à l’extérieur de la ville. En voiture, Rachel se sent mal. Marion se marre. Mais alors qu’on passe à table (il a commandé des bières pour nous !), on se sent tous les 5 vraiment bizarres. Tout est ralenti, pfff… on est complètement défoncés… Brice et Xavier tentent de faire bonne figure, tandis que Rachel pleure et Marion lutte pour ne pas s’endormir. Megha scotche sur son téléphone. Rajish essaie de faire la conversation, Brice tente de répondre. Marion se souvient juste qu’on a parlé de pois-
chiche ! Le repas est commandé, bien sûr on ne mange rien (sauf Brice qui sait faire bonne figure quand la nourriture est appétissante). Eux sont végétariens, ilsontdonc commandé du poulet pour nous, … Marion se rappelle à tort d’un barbecue nan nan, c’était du curry. Rajish est trop embêté de nous voir ainsi (heureusement, il a refusé la cuillère de pâte verte), et est désolé de notre état… et nous sommes extrêmement gênés. On se rend compte qu’on perd tellement à ne pas être en état. Mais on est incapable d’être moteur, d’être acteur, on se cantonne à être spectateur au travers de notre regard vitreux. Le repas est vite plié, on rentre. En chemin, on s’arrête pour dire bonjour à des amis de la famille. Mais on est tous les 5 vraiment pas bien. Donc hop hop hop, retour à l’hôtel. Xavier et Rachel sont d’abord débarqués au leur… puis nous au notre. On s’excuse encore, on est confus … mais incapables de l’exprimer correctement, Rajish comprend bien, sa fille dort déjà chez lui. On passera une bonne heure à consciencieusement se nettoyer, l’eau de la douche passe par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, on se marre bien, on regarde quelques photos, on se raconte le fil de la journée. On a quelques trous… mais globalement, on n’est pas trop mal, rien de bien méchant et on plonge dans un bon sommeil d’une grosse paire d’heure. Il est 15h00, on termine Holi au lit. Au réveil, un peu plus frais, on rejoint Rachel et Xavier pour un dernier dîner debriefing. Pas drôle d’avoir été drogués à notre insu, mais heureusement qu’on était tous les quatre à se serrer les coudes… et que nous étions sous le regard bienveillant de Rajish… Et puis, tout de même, quels bons souvenirs nous avons eu ! Rajish passera plus tard à l’auberge, prendre de nos nouvelles. En plus de nos excuses, on lui souligne encore le bonheur que l’on a eu à célébrer Holi avec eux, et à apprendre tant de choses entourés de leur famille. Il est content de nous savoir en meilleure forme, Megha va bien aussi. Nos souvenirs résonnent encore des couleurs, des sons des tambours, des accolades, de la jovialité, des petites joues douces, de la peau rêche de l’éléphant et son œil mélancolique, des fumées colorées, des gens qui nous interpellent le sourire aux lèvres, et le bonheur d’avoir été main dans la main avec la famille de Megha dans une cérémonie forte en émotions. C’était, quoi qu’il en soit, un super Holi. Drôle et puissant. Pour une première, c’était parfait ! Après plus d’un mois, l’Inde se dévoile enfin à nous, bien plus belle, riche et intéressante qu’elle n’y paraît aux premiers abords.
Epilogue: Finalement, notre interview est bel et bien passée à la télé’, et notre copain Saurav a même été surpris de nous voir par hasard sur Tata Sky !
Marion faut revoir ton maquillage c’est original mais peut être un peu voyant:)))
Ce holi ressemble à un grand defouloir comme le carnaval dans le nord
J’ai pas bien compris pourquoi on vous avait drogués . Se moquer des étrangers ? Vous faire vivre une expérience ?
En tout cas moi j’aime les couleurs ça change de notre société tout en noire
Bises
Personne n’a voulu nous droguer QUE nous… Tout le monde devait plus ou moins en prendre… Mais dans l’euphorie de voir des lao wai participer… On nous en a trop donné!
Excellente la défonce! Heureusement que vous avez pris l’éléphant en photo, sinon on ne vous aurait pas crus, bande de drogués.
Bises
pfff, même pas rose l’éléphant, c’était pas de la bonne, alors…
très cool cette liesse, mais très angoissant aussi lorsque les foules se laissent aller
j’attendais ça, la vie en rose, en rouge en vert en bleu
j’en ai vu de toutes les couleurs
marion aussi, sur les photos le sourire est comme crispé, on ne sait pas si c’est du lard ou du cochon, d’inde forcément
bises bises
évouzétoula
Holi au lit, ah ah excellent.
Magnifiques photos, tres belles rencontres. Attention aux bains de foules, et aux currys…
A dans 20 jours en Thailande?
Attention aux hommes femmes et aux currys!
Magnifique reportage, vos photos sont sublimes, mais parcontre, où sont les femmes ?!
Des bisous
Quelle aventure !!! Très beaux avec toutes ces couleurs. Reportage magnifique.
Bisous
Mais c’est des grands malades:))) ils ont même des drag queen c’est ouf, on tous les cas c’est génial cette fête, tu es trop mignonne Marion avec toutes ces couleurs et les photos ou vous n’étiez pas drogués sont vraiment magnifiques. Je trouve ça quand même génial ce type de fête. elle est trop belle la photo ou tu es avec le monsieur au chapeau Brice.
c’est tellement chouette de vous voir en couleur que je vais faire une mosaïque de vous en fond d’écran sur mon ordi ce post est super Top
vous voilà hindous maintenant et bien parés pour la suite (initiés?)
bonnes périgrinations
Holy shit ! Sympa la teuf ! 🙂