On dirait le nom d’un feuilleton télé.
Le trajet en bateau qui nous mène de Gorontalo à Wakai est long et fatiguant. Nous passons la nuit sur le pont, sous un ciel incroyablement étoilé mais sur une mer agitée.
pfff… ça tangue…
À Wakai (principal village des îles Togean), nous embarquons sur le bateau public qui nous ramène sur notre île.
Déjà rempli de planches de bois, on trouve cependant de la place pour y ajouter deux vaches.
Trois heures plus tard, il est enfin temps de poser pieds à terre.
UnaUna, nous revoilà ! Ici, il n’y a plus d’horloge.
Les marées donnent le rythme.
Et au fil de la journée, le bandeau de corail apparait, les premiers rochers pointent au-dessus de l’eau à mesure que son niveau descend. Doucement. Le large récif qui borde la côte se découvre. On entend le crépitement de la vie aquatique devenue terrestre pour quelques heures.
L’odeur de l’océan prend place.
La brise légère souffle un air chaud.
Au loin, un bateau passe.
Le trafic maritime est si faible ici qu’on s’étonne au passage d’un navire.
Quel jour sommes-nous ? Quelle heure est-il ?
Ce doit être le public boat du jeudi…
Pendant ce temps, on prend le temps.
Brice a bien entamé ses cours de dive master. Théo est son instructeur. Il est néerlandais, drôle, intelligent et a du bagout. Il voyage depuis presque toujours, s’arrêtant pour quelques mois ici et là, travaillant un peu avant de repartir.
Mais en lisant son roman du moment, il nous dit qu’il est jaloux du type du livre parce qu’il peut s’acheter une cafetière et un rasoir électrique.
C’est un peu notre lot aussi, envieux d’une vie que l’on n’a pas. Envieux d’être en bourlingue tout en voulant avoir le confort d’un chez soi. Voulant vivre à l’autre bout du monde tout en manquant nos amis et nos familles.
Théo, c’est un mentor et un ami qu’on verra partir avec tristesse. Éloïse est là aussi pour suivre sa formation de dive master. Elle est belge et toujours motivée, sauf le soir. C’est une marmotte.
On papote bien. C’est notre voisine de chambre, notre voisine de pays, notre copine de voyage. C’est une belle rencontre.
Avec Brice, ils se serrent les coudes pour les exercices de plongées de Théo, s’épaulant dans les moments heureux comme dans les plus difficiles et pendant lesquels ils en bavent.
Elle aussi est partie, et on a le cœur tout serré quand son bateau s’éloignait.Il y a aussi Antonio. Il est déjà dive master depuis plusieurs semaines. Depuis, il travaille ici.
Il est espagnol, petit et tout bronzé. Il est zen, et nous enseigne le détachement.
C’est un peu un Kazou ibérique.
On s’entend bien avec Antonio, on papote bien aussi.
Et puis, il voyage depuis deux ans et il a décidé finalement, de repasser un mois à Madrid pour célébrer la Navidad – lui-. Et enfin, Adam et Liisa. Le couple anglo-finlandais. Il est instructeur, elle est dive master. Il est grand et très anglais. Parfois, on dirait Hugh Grant.
Elle est petite, musclée et a de beaux yeux bleus (est-ce que tous les finlandais ont des yeux bleus ?).
Ils sont venus travailler récemment, le salaire n’est pas à la hauteur de leur attente, et ne font pas trop d’efforts pour aller le chercher non plus. On papote avec Bani, Naldi et Dedi, les captains chargés des bateaux de plongées, et des bouteilles à transporter.
Leur anglais est approximatif, ils sont un peu jeunes, mais leur compagnie est agréable et nous permet de pratiquer un peu de notre bahasa. Tout comme avec MaAyu /Tante, la cuisinière en chef qui nous réchauffe de son joyeux sourire et de ses plats, certes édulcorés – on est dans un resort pour bule, mais mitonnés la plupart du temps dans la bonne humeur bon enfant typique de l’Indonésie. Oui, c’est un peu ça la vie à UnaUna.
Il n’y a pas/presque pas de réseau. On pose les téléphones par ici, et on attend qu’ils accrochent le signal et daignent télécharger les messages… ça c’est s’ils ont encore de la batterie car on est loin d’avoir de l’électricité toute journée.
Parfois on check si le message est parti, parfois on attend, souvent on abdique.
Mais on s’y habitue, et c’est une bonne chose*.
Sans réseaux sociaux, les gens sociabilisent plus. Quel paroxysme !
On échange et on se raconte.
Le soir, alors que tout le monde est attablé et se délecte des bons gâteaux de Tante, les conversations sont souvent orientés « fonds marins », et il nous parait normal de discuter 10 minutes à propos de la tortue qu’on a vu l’après-midi et des deux poissons pilotes collés sur sa carapace, sans parler du banc de barracudas, ou de poulpe.
C’est léger. On est loin et isolé.
Ainsi, on apprend comment vit le corail, on apprend les noms de poissons et leur nom de famille.
On comprend les courants et les marées. La saison des œufs, pourquoi certains poissons sont agressifs, les superpouvoirs de la mantis shrimp, du trigger ou du leaf scorpion fish.
Le monde aquatique s’ouvre doucement à nous. Et il n’est pas rare qu’on enchaîne sur quelques parties de murderer (un loup garou à la sauce de chez nous). Tout ça pour aller au lit à 22h, après avoir observé les étoiles – et la galaxie M31… Incroyable !
Notre rythme de bourlingue en a pris un coup. Les journées passent, chacun vaquant à ses occupations.
Celles de Brice sont plutôt claires : la plongée. Il est ici en « stage ». Il améliore son expérience de plongeur, à réguler sa respiration et minimiser ses mouvements, à naviguer sous l’eau et savoir parer à toute urgence.
Il a appris à enseigner la plongée et à diriger des groupes de plongeurs.
Il guide les bule de passage, montrant les coins et recoins sous-marins. Il s’occupe du dive center, les bouteilles qu’il faut remplir d’air comprimé, les combinaisons qu’il faut rincer et ranger. Tout comme les palmes et les détendeurs.
Avec Théo, Éloïse et Antonio, il font une bonne équipe. Depuis leur départ, il est un peu tout seul.
De son côté, Marion scie, ponce, coupe, clou, colle, nage, sèche, plonge, bronze, s’hydrate, aide en cuisine, dessine, aquarelle, écrit et lit.
Elle est occupée mais pas vraiment non plus.
Le deal « déco » a fait un peu flop. Emmi n’a pas le temps, n’est pas dispo’, et n’est finalement jamais trop là… heureusement car ses tornades tyranniques lors de ses retours sur l’île peinent à palier un manque d’organisation et de pertinence dans le resort.
Qu’à cela ne tienne, quand elle n’est pas là, tout va bien, on est plus détendus, et tout se passe pour le mieux.
Après plusieurs jours de « quoi faire, comment, avec quoi et pourquoi », Marion gère son planning un peu flottant, comme elle l’entend.
Le nouveau flyer est en cours d’impression – mais déjà les prix ont changé sans réflexion préalable, les panneaux en bois sont installés, les cailloux composés, les coraux attachés.
Petit à petit, son boulot s’installe dans les recoins du Sanctum. Mais petit à petit.
On redécouvre notre indépendance, et le plaisir de nous raconter notre journée le soir venu.
On profite de ce paysage, qui au premier regard pourrait apparaître monotone et répétitif au fil des jours.
Mais nous prenons le temps de l’observer.
Le ciel haut et bleu, bas et gris. Les jours de pluies qui brouillent l’horizon. Les marées, montantes ou descendantes. La mer agitée offrant de multiples reflets tandis que celle des jours calmes lisse l’ensemble et permet de voir les autres îles Togean à 3 heures de bateau au large.
La lumière du matin, dévoilant les premiers rayons sur les cabanons alors que le soir venu, le soleil disparait derrière le volcan.
La saison des pluies arrive. Elle apporte avec elle son lot d’orages et de bourrasques de vent. Les noix de coco tombent des arbres, tout comme les mangues (pas encore mûres – on attend mi-décembre avec impatience, les manguiers sont archi-chargés !).Dans le jardin, tout pousse.
Les plantes se régalent de soleil la journée, et se font arroser d’une pluie dense la nuit.
La jungle reprend doucement ses droits. Le puits se rempli.
On en avait bien besoin (c’est notre seule source d’eau). On profite de choses simples.
On observe les insectes, les oiseaux et les bovins qui viennent se rafraichir sur le sable humide de la plage.
Les araignées tissent de grandes croix alors que d’autres sont géantes et sautent, les sauterelles ont des ailes en forme de feuilles, certains insectes sont bicolores, d’un beau rouge éclatant.
Notre quotidien est peuplé de brebis, de vaches, de poules et de chiens qui cohabitent tous ensemble. Seuls les chats vivent sur des étagères, dans la cuisine.
Siro, le chien idiot, et Bon-bon, le chien chasseur les tue… l’un des chatons recueillis par Éloïse en fera la triste expérience.
Voilà.
Notre rythme UnaUnasien est tranquille.
On va sur les sites de The Rocks, Menara II, Hong Kong ou Jam en petit bateau, comme on prendrait un métro le matin.On prend l’habitude – sans pour autant se lasser – de voir des poissons-lion, des eagle raies, des bancs de snapers, ou de thons, des nudibranches, des rivières de tobbies, des napoléons, des coraux de toutes les formes et couleurs, des trucs et des machins qui font de chaque plongée on en découvre toujours et encore plus. Les fonds d’UnaUna sont incroyablement bien préservés et d’une qualité inouïe.
Une fête au village, un anniversaire au Sanctum ou une demande en mariage que l’on se plait tous à organiser sous la tornade de barracudas, une partie de carte ou une soirée film sur le canapé du dive center, un quart d’heure « soin » des pieds coupés par les coraux et les cailloux, un debrief’ sur le hamac une bière à la main, des blagues et un réveil matinal pour redémarrer une nouvelle journée tôt le matin. Nous sommes bien loin de l’Indonésie, loin de sa bonne nourriture, de ses hello mister…
Entourés de bule (quasi exclusivement), on en perd notre bahasa indonesia, mais on redécouvre le plaisir de vivre découvert, de pouvoir se prendre dans les bras à notre guise et de boire une bière de temps en temps.
Les relations avec les clients se transforment régulièrement en bonne amitié, on rigole souvent, nous apprenons aussi beaucoup de certains et il n’est pas rare de prendre un numéro de téléphone ou un email avant de regarder le bateau s’éloigner. Nous, on reste à terre.
Depuis Gorontalo, où nous sommes pour 4 jours, nous postons cet article.
C’est ici, encore, que nous étendons notre visa indonésien pour la dernière fois.
Antonio nous accompagne pour cette courte semaine.
Départ un peu précipité pour lui – les horaires incertains des bateaux indonésiens ne faisant pas bon ménage avec des réservations onéreuses de billets d’avions transcontinentaux – et on sent qu’il en a gros sur la patate.
Mais nous sommes heureux de partager ces derniers moments indonésiens… on se ressemble bien.Quant à nous, nous devons quitter UnaUna et l’Indonésie début Janvier. 6 mois, déjà !
Pour aller où ?
Nous ne le savons pas encore.
Notre expérience sédentaire nous fait du bien, tout comme elle nous lasse, nous questionne et nous interpelle.
Notre cerveau réfléchit, notre cœur balance, nos finances s’invitent au débat.
Nous reprendrons le bateau vendredi soir.
Les fêtes de fin d’années se passeront là-bas.
Sur une île de quelques km2, entre trois cocotiers et 35°C.Tout comme le chat qui vit sur son étagère, on n’a pas une vie facile !
‘* Aparté news –
Nous suivons, comme nous le pouvons, les news. Les bonnes comme les mauvaises.
Nous avons reçu les premiers messages des attentats en début d’après-midi.
Brice était sous l’eau, à contempler une eagle ray.
Marion était sur le ponton, à boire son café et à observer la limpidité de l’eau et les quelques poissons, si bleus.
Impossible de vous expliquer le court-circuit temporel et spatial que ces messages ont provoqué.
La violence s’est invitée aussi à UnaUna, accompagnée de tristesse, d’incompréhension, d’angoisse et de colère.
Nous sommes si loin.
On avait oublié que l’Homme pouvait être mauvais.
On avait oublié que l’Homme pouvait être stupide, haineux et avide de souffrance.
À ce moment-là, nous regardions vers l’Ouest, là où le soleil se couche.
oui, oui
je l’attendais,
je l’ai méritée bien cette attente
et comme vous vivez bien, comme vous faites bien, comme vous êtes bien
à bientôt…?
je vous embrasse
y a pas a dire, elle est vraiment trop belle Marion
ce ponton !!!!
Quel article! Ca valait le coup d’attendre! On apprend avec vous a prendre le temps pour les choses simples, choses qu’on ne fait jamais ici. On aimerait bien savoir aussi pourquoi les poissons sont agressifs et quels sont les super pouvoirs des autres. On espere que ces endroits a part resteront préservés de la pollution humaine, sous toutes ses formes. Et surtout on aimerait passer une soiree avec vous pour que vous nous racontiez votre journee 🙂 On vous embrasse!!
Ouhhhhh…
Mais nous aussi aimerions bien nous faire une petite soirée ensemble !!
Vous revoilà enfin!!! Alors là je suis plus qu’impatiente de plonger avec vous maintenant !
Vos photos sous-marines sont vraiment top!!
Profitez bien. On pense bien fort à vous
Entre les photos de vos plongées et les croquis des cahiers de Marion : on en prend plein les yeux.
Ca ressemble pas trop aux 18 premiers mois de la bourlingue : on imagine facilement que vous oscillez entre retour aux plaisirs des occidentaux avec les bules et lassitude de ne pas retrouver les « instants vrais » avec les locaux
Votre post fait rêver les amis !
J’ai bien compris ce que faisait Brick’s man. Même si ne vous dites pas les super pouvoirs de la tiger shrimp, mais j’aimerais bien aussi voir ce que fait Marion; de la Deco ? 🙂
Profiter bien, ici il fait froid 🙂 (même à Montpel’s…mais pas trop quand mm)
Tcho !
Ahhh!
Ca fait du bien.
Et c’est joli.
La mer, on ne se lasse jamais de la regarder!
Il est beau ce ponton!!!
C’est si bien raconté … Je ressens tout et ca me manque tellement …. J’aimerais rentrer dans cette machine à remonter le temps et revenir à ces beaux jours ! Vous me manquez les amis!
Je ne vous vois plus dans le metro allant au boulot avec ces images en tête il vous faut trouver de quoi vivre dans ce que vous aimez je pense à vous avec bonheur
Enfin des nouvelles ! Le reportage qui nous fait voyager avec vous continue avec ces photos qu’on dirait retouchées, colorisées… Des images irréelles et pourtant j’y étais
Merci, bravo et biz
C’est chouette de vous lire, ça me transporte un mois plus tôt… impatient de suivre vos prochaines aventures!
Lis les précédentes surtout, certaines valent la peine. 😉
Popopo, cool d’avoir des nouvelles de vos aventures !
Bises
Très bel article (même si j’arrive pas à télécharger les photos) qui fait plaisir à lire. Et réfléchir aussi.
Mais je vois pas le rapport avec Antonio là… Je suis petit c’est ça ? J’menfoutiste ? Et Espagnol en plus ?? Hè nan ça c’est grave !!
Je vous embrasse. Vous me manquez (mais c’est pour la bonne cause)
PS : Je sais que vous avez fait exprès d’attendre si longtemps pour poster cet article, juste pour avoir plein de commentaires !!
Trop contente de vous retrouver à travers ces nouvelles !! Je crois que ce que je trouve le plus génial, c’est que vous arrivez à prendre le temps. Et ya aussi la nature qui a une couleur verte de dingue trop magnifique sur les photos après la pluie !
Gros bisous les amis
Merci pour ces photos, ces pensées et cete page de votre histoire.
Grosses bises
🙂
Des pensees et bisous amstellodamois,
Dur retour pour nous, non rassasies mais tres inspires 😉
Passez de joyeuses fetes una-unasiennes
A bientot !
J’aime bien votr ponton ,avec le p’tit bout éclairé par le soleil du matin ,je suppose,et au couchant avec cette lumière magique qui dure si peu mais qui nous imprègne .il appelle au voyage
bon,mais pour andromede ça va être plus compliqué!
les couleurs,j’aime bien aussi
chez nous on va chercher du vert ds nos forêts, un peu tristounettes puisqu’on a pas les aquarelles de Marion ,et on l’habille de belles boules qui brillent et qui cassent parfois …
bises à vous deux
serge
Je ne reçois plus vos mails (que je suis depuis votre départ ) Pouvez vous ne pas m’oublier. Dany une amie de Joce
daniele_pages@yahoo.fr merci je vous suis avec intérêt et souhaite continuer
Un bisous de Dadoo et M-line!
Coucou saudades grandes de voces! trop beau ce post! ça fait plaisir vraiment de vous suivre a distance avec autant de poésie et des images si belles et si drôles… hate de savoir la suite! bonne fêtes et un très gros bisous
Salut d’Axens,
Encore une année passée loin de la France.
Pleins de coucou et de bises.
A un de ces quatre dans un café à Paris (vous finirez par revenir, peut-être…)
A Bientôt.
Lolo