Ça y est, on part enfin de Mashhad. Après 7 jours d’attente, on est dans les starting-blocks !
Réveil matinal, on quitte Taka et CS.
Un métro et un taxi partagé (on attendra 40 min pour partir) pour nous emmener à Quchan à 1h30 de route, puis un autre taxi partagé pour nous emmener à Bagiran au poste de frontière, quelques 50km plus tard.
La route est superbe, on est dans une vieille Saba, et on roule à 120km/h… (c’est écrit DANGER en énorme sur la montagne, et les panneaux indiquent 50… donc oui, on est pas rassurés !)
On arrive vivant à la frontière. Woué !
On échange nos derniers Rials en Manats turkmènes à un mec avec une valisette pleine de pognon différent, ainsi que quelques euros, et on entre enfin dans ce qui sera « nos derniers instants iraniens » !
On passe nos sacs aux rayons X, quelques questions, un tampon et c’est fait !
De l’autre côté, il y’a une vingtaine de femmes turkmènes chargées à bloc, facilement reconnaissables à leurs robes et coiffes colorées.
(Une femme sortira même de sa coiffe, une dizaine de paquets de clopes, astucieusement camouflés !)
Derrière le bâtiment se trouve un no-man’s land d’une centaine de mètres, et en face de nous, le portrait du Président du Turkménistan pour nous dire bonjour.
Côté Turkmène, c’est pas la même ambiance.
Premier contrôle, un soldat coiffé d’une casquette à large bord écrit dans un grand registre les différentes informations de notre passeport, puis on entre dans une grande salle.
On comprend qu’on doit aller montrer nos passeports avant le scan des sacs.
Ici, les sourires c’est pas vraiment ça. Après un mois en Iran, on n’est plus habitués !
Nous passons donc nos passeports par la petite fenêtre, et répondons aux questions. « Vous allez où, par où, combien de temps, comment, … » on a tout-bon aux questions, alors on a le droit d’aller payer (22$ en plus des 110$ dollars du visa, ça commence à chiffrer pour 5 jours dans une dictature).
Mais comme il est midi, le mec est parti manger. On attend donc. Et puis il n’est pas tout seul, puisque les quelques douaniers délégués à la vérification des bagages ont fait de même… ils ont bien le droit d’aller casser la croûte…mais c’est tout de même étrangement organisé.
On est un peu embêtés, parce que ça prend « plus de temps que prévu » (mais on devrait arrêter de prévoir en fait…) et on a rdv à 12h30 avec Yusuf, qui sera notre hôte à Aşgabat. Yusuf, c’est un pote de Arslan, un ancien collègue de mission de Brice … mais comme il n’est pas au Turkménistan pour le moment, il a missionné son pote de s’occuper de nous (et de nous loger aussi !).
Donc 12h30, toujours personne pour payer, et puis pas de réseau pour appeler bien sûr.
On poireaute une heure et on arrive finalement à payer nos 22$. On retourne voir le monsieur derrière sa petite fenêtre, il nous donne un reçu, et un coup de tampon !
On est au Turkménistan !
Mais on retrouve aussi la quarantaine de femmes (leur nombre a bien eu le temps de grossir entre temps !) qui attendent pour passer leurs « bagages » aux rayons. Et par « bagages », on parle de sacs énooormes d’oreillers, de tapis, des cartons de plantes, de je ne sais quoi.
Juste que c’est énooorme, et qu’on se voit déjà y passer la journée, parce que de l’autre côté des rayons X, tout est scrupuleusement fouillé.
Finalement, on aura le droit de les doubler, et nos sacs ne seront pas fouillés. Juste quelques questions de politesse : « guns ? » « heroin ? » « narcotics ?», le tout dit avec bien sûr, sourire et décontraction !
Il est 13h quand on est de l’autre côté ! 2h pour passer la frontière, c’est correct ! Mais ce qu’on ne savait pas, c’est qu’on attendrait 3h pour prendre un minivan qui descend de la montagne, et dépose les gens 7km plus loin (et qu’on est obligés de prendre).
Parce qu’en fait, il n’y a pas de van, et cette quarantaine de femmes qui passaient la frontière aussi, attendent elles aussi le van.
D’autant plus qu’elles sont du genre coriace, elles se battent et courent après le minivan pour y entrer. Elles s’entassent, entrent par le coffre, et ça crie, ça râle, ça pousse…
On reste donc circonspects devant ce spectacle turkmène, en se disant qu’on attendra le prochain bus.
Pour passer le temps, on papote avec un Turkmène sympa, du pays, etc. Marion a ses cheveux qui reprennent des couleurs après un mois voilée ! Même son cou respire de nouveau !
Finalement le prochain van met 1h à arriver, et à nouveau c’est la cohue…
Bref, 3h plus tard, on arrive à monter dans l’un d’eux.
On s’est quand même retrouvés à 15 dans le van – qu’on a payé deux fois plus cher que les autres… c’est comme ça et pas autrement…
On arrive donc au dernier poste de contrôle, on est re-re-re-reenregistrés (on a dû être enregistré – à la main, avec une belle écriture en italique – au moins 5 fois). Notre ami Yusuf est là ; il nous a attendu 4h… et nous a habilement reconnus sous nos sacs à dos de tortue.
On s’excuse 3000 fois, et hop, on monte dans sa super grosse voiture climatisée top, direction sa maison.
Ça fait plaisir après les voitures pourries en Iran !
Première rencontre, à travers les vitres de la voiture, avec la Ville Blanche.
On arrive chez lui ; sa femme Jahan et ses deux filles Merjen et Näzik nous attendent.
Nous avons aussi droit à un copieux festin ! On est assis par terre bien sûr ! (les genoux de Brice n’ont pas été étudiés pour cette position et ils se rappelleront longtemps de cet horrible supplice du « repas turkmène » !)
Mais surtout, leur maison est super confortable, c’est propre, ça sent bon, et après plus d’un mois, à prendre nos douches en tongs, on a enfin accès à une salle de bain propre.
On dormira tout de même par terre – à la mode turkmène ; mais eux aussi !… ils ont bien acheté un lit, mais que très récemment et parce que c’est « bien vu » d’avoir un lit chez soi.
On papote un peu et puis on part marcher un peu dans le quartier.
On déambule dans Aşgabat qu’on découvre au fur et à mesure, et on commence à photographier à droite à gauche… jusqu’au moment où un policier nous invective par ce qui semblait plus être un aboiement qu’une formule de politesse. On comprendra plus tard que c’était le Palais du Président…
Bien entendu aucune photo n’y est autorisée, mais il est tout autant interdit de se balader le long de l’avenue longeant le palais, que ce soit en auto ou à pied (un soldat plus sympa nous l’expliquera par quelques gestes).
Personne n’a jamais trop pu aller voir ce qu’il s’y passe.
Bienvenue au Turkménistan, l’un des pays les plus fermés au monde, avec une jolie dictature qui dure depuis le 27 octobre 1991, jour de l’indépendance de pays sur l’union soviétique.
Et son premier « Président », Niazov, était un peu mégalo…
Il a renommé les jours de la semaine, il a changé le mot « pain » par le prénom de sa mère, il s’est fait construire une statue en or qui tourne en fonction du soleil pour qu’il soit toujours face éclairée, s’est fait appeler Turkmenbaşi (le père des Turkmènes), … parmi d’autres extravagances !
À sa mort en 2006, l’actuel président lui succéda. Il est un peu plus sympa parce qu’il est revenu sur l’interdiction d’écouter la musique dans les voitures ! Sympa.
Mais bon, il a quand même continué le projet d’Aşgabat, ville en marbre blanc. Et tant d’autres projets tous plus chers les uns que les autres… pourvu qu’ils restent en marbre !
Mais on en revient à notre balade, interdiction de prendre des photos autour du Palais du Président… On aurait dû s’en douter vu la vingtaine de policiers/soldats autour.
« Ok… Ok… no photo ».
On comprendra vite qu’on est quand même dans une dictature, on va tenter de rester dans les clous. En parlant avec Yusuf, on apprendra aussi à ne pas demander « pourquoi » face à certaines requêtes du Président…
« Mais pourquoi il déplace l’Arche de la Neutralité que ça coûte 10 millions de dollar ? » « Pourquoi il veut des cocotiers sur une avenue qu’ils sont tous morts en plein hiver ? » « Pourquoi du marbre blanc qu’on fait importer de l’autre bout du monde ? » « Pourquoi y’a personne dans la rue ? Pourquoi…. ? »
Retour à la maison, et Yusuf nous emmène faire le tour d’Aşgabat by night. On est comme deux gamins à prendre 3000 photos.
pfff… mais elle est ouf cette ville. Tout est propre, lisse, blanc, éclairé… Et il n’y a personne.
Ça change beaucoup du chaos iranien ; et les automobilistes respectent même la signalisation et les piétons !
On passe un jour à visiter Aşgabat.
Du marbre, du marbre, du marbre. Tout est blanc. Les réverbères, les bordures de trottoirs, les troncs des arbres, … tout. Turkmenbaşi a voulu réinventer une culture turkmène après plus d’un siècle de domination du peuple nomade par les Russes. Il a entre autre inventé un « logo » (une étoile à 8 branches sans aucune finesse) qu’on retrouve partout, comme motif décliné.
La ville est admirablement propre (et vide d’immensité !). Le Président – qui est médecin de formation, enfin dentiste en fait – veut que le peuple aille bien, et la santé c’est important. Après avoir éradiqué le fléau narcotique en quelques années dès son accession au pouvoir, le Président s’emploie désormais à supprimer le tabagisme : le paquet le moins cher coûte désormais 10$ (d’où la fraude de cigarettes à la frontière iranienne), et dès 2017, il sera interdit de fumer au Turkménistan. Au grand maux les grands moyens.
Tout est rangé dans cette ville parfaite. L’immeuble pour publier un livre, c’est ici, celui en forme de livre. Celui pour soigner ses dents, c’est celui en forme de dent, et les yeux, ben c’est celui en forme d’œil.
Y’à le ministère des tapis, celui des chevaux, celui des fruits et légumes, …
On se croirait dans une maquette d’un promoteur immobilier.
« Merci Bouygues de construire de si beaux immeubles, vous pouvez être fier » nous dit Yusuf tout en encensant le groupe de BTP.
Bouygues a remporté des contrats colossaux dans ce pays (les grands palais du gouvernement par exemple, et la super grande mosquée que c’est la plus grande d’Asie Centrale), et est désormais en concurrence avec Vinci et des entreprises Turques et Iraniennes.
Et tous ces immeubles sont tous différents, mais ce sont tous les mêmes. Il y a juste une harmonie de couleur (ou non-couleur peut-être), mais c’est un style inconnu. Style Turkmène.
Et il y a des policiers partout, des caméras, des trottoirs vides, des routes vides, pas de poubelles dans la rue, pas d’oiseaux on dirait, des parterres de fleurs superbes, des grands parcs… et des travaux, toujours des travaux…Une maquette.
Et quand les bâtiments sont vieux, soit ils sont rasés soit ré-habillés de marbre ! Sympa les discussions « projet façades » !
Enfin, il y a aussi toutes les incongruités architecturales incroyables.
La tour de la Constitution
Le palais du mariage (ou palais du bonheur, le Président à déclaré: « ce serait un symbole du bonheur sans frontière de la prospérité et de l’amour » – 100 millions €)
L’univers – la plus grande « grande roue » dans un espace clôt du monde
Le monument de l’Indépendance
L’Arche de la Neutralité (ce mot est partout, faisant du Turkménistan « le premier pays neutre au monde ») avec la statue du Turkmenbaşi qui tournait – avant qu’on la déplace au milieu de rien, certainement pour ne pas faire d’ombre au nouveau régime – avec le soleil afin qu’il ait toujours la face illuminée.
On aura aussi l’occasion d’aller « en famille » au Grand Bazar Tolkuchka, situé à 10km d’Aşgabat. C’est un immense bazar (le plus grand d’Asie Centrale) où on trouve de tout : fringues/électroménager/fruits/légumes/tapis/ brebis et chameaux/voitures. Bon, aujourd’hui, il est d’une sobriété bien fade… mais il est dit qu’il était aussi plus joli avant d’avoir été déplacé ; mais ça, c’était avant le marbre !
Pour conserver toujours une symbolique (et dans l’esprit fou et mégalo du Président) le plan du bazar reprend l’un des 5 motifs (représentant les 5 ethnies du pays) présents sur le drapeau national et repris sur la plupart des monuments.
On erre dans les allées, dans les différents hangars. On découvre les turkmènes au marché, les femmes et leurs coiffes de couleurs, les tissus, les couleurs, … C’est beau !
Toujours dans l’esprit du renouveau de la culture turkmène, les femmes sont encouragées à porter la très belle tenue traditionnelle. Pour ce qui est des cheveux, elles portent soit une grande coiffe si elles sont mariées, soit une « kipa » turkmène. Elles sont toutes très belles.
La matinée passe rapidement, retour à la maison. Jahan prépare en 2 temps 3 mouvements des manty, sorte de raviolis proche des manti turques (bien sûr, même le repas est préparé par terre… !), et on s’empiffre encore de bonnes choses.
Le repas est vite terminé, deux amis de Yusuf nous attendent pour partir dans le désert de Karakoum, pour voir LE cratère !
-> suite à prochain post !
Et puis pêle-mêle; des petites infos qui nous ont bien fait rire :
Note 1: Au Turkménistan, l’essence est subventionnée, l’eau, l’électricité et le gaz quasi gratuit. Notre premier jour, Yusuf et sa femme sont partis voir des amis, et nous n’avons quitté leur appartement que quelques minutes plus tard en prenant soin d’éteindre les lumières. Yusuf a bien rigolé quand en rentrant, Jahan sa femme lui a demandé: « mais pourquoi ont-ils éteint les lumières?!! »… et nous a raconté que chez eux, on laisse toujours au moins une lumière allumée en sortant et la clim’ tourne sans cesse: la bourde écologique!
Note 2: Le Président de la République est élu au suffrage universel direct. Il y a bien sûr plusieurs candidats, tous appartenant au même parti. Et au cours de la campagne, ces candidats supportent le Président, et appellent la population à voter pour lui (97.4% lors de la dernière).
Note 3: Les petites filles vont à l’école en robe verte et tablier blanc (il s’agirait de l’habit traditionnel de la tribut dominante des 5 tributs du pays), les petits garçons sont en chemise blanche et cravate noir; tandis qu’à l’université, les jeunes filles s’habillent le lundi en robe rouge, le mardi en bleu, le mercredi en rouge de nouveau, etc…
Note 4: Les Turkmènes sont très fiers de leurs melons, Turkmenbaşi l’avait déjà renommé de son propre nom, et récemment le jour du melon (jour férié), le Président l’a renommé le « protecteur » comme son Président, et la pastèque turkmène a désormais une variété « Président ». Le Président a fait l’éloge du « succès des producteurs de melons turkmènes et de leur travail désintéressé visant à faire renaître la gloire internationale de ces fruits paradisiaques de la terre turkmène ».
Note 5: Nyazov (Turkmenbaşi) avait déclaré que « ce n’était pas sa décision mais celle du peuple » d’être en statue un peu partout, sur les billets de banque… et il a déclaré que le jour de la fête nationale serait celui de son anniversaire.
Note 6: Le Président aime beaucoup monter à cheval, et aurait même participer à une course équestre. Avant l’arrivée, il serait tombé… mais toutes les photos auraient été effacées, et le Président a tout de même gagné la course.
Ça c’est clean treeeees clean
Faut bien la couleur des vêtements pour donner de la vie à tout cela.
excusez pour le commentaire, j’ai un blanc…
Trop drôle cet article !! Jme suis bien marrée.. jpeux avoir une étolle turmène ? elles sont trop belles…
Alors ça c’est incroyable c’est à la fois un mélange d’ancien et de modernisme je ne voyais pas du tout mais alors pas du tout ce pays comme ça on dirait un décor de cinéma, c’est ultra propre c’est fou c’est un Maniac le dictateur c’est super bien rangé.
On dirait qu’ils ont fait le ménage avant votre arrivée c’est fou
Ca fait presque science fiction je suis sciée, qu’on aime ou qu’on aime pas je pense que l’on doit vraiment se rappeler de ce pays quasi étrange tellement c’est parfait.
c’est l’homme fort qu’il nous manque en France !
Je veux du Hollande en statue, en billet de banque et en cuvette de chiotte !!
j’ai compris qu’il fallait pas poser de questions : mais où le pays trouve t’il l’argent pour construire autant de bâtiments neufs, avoir des rues aussi propres, ne pas faire payer l’élec., le gaz, l’eau… ? Vous avez l’impression que c’est au détriment de la population ? j’ai pas l’impression quand je vois les photos du marché
Je ne me rappelle plus trop, mais le pays est dans le top 5 des réserves en gaz. Bien entendu l’argent va en premier dans le marbre et dans les maisons en formes de dents… Que dans les bibliothèques et les hôpitaux (que le Turkmenbasi avait fait fermer dans les villages… Décrétant que les paysans n’allait pas besoin de livres et que les médecins devaient officier à Ashgabat)
Et vs parlez un peu russe ? Avec tous les pays en stan que vs allez traverser il faut vous y mettre 🙂
Non… mais on va apprendre!
C’est vraiment pas facile de communiquer mais le turc aide bien, donc ça fait l’affaire (c’est plus proche de leur langue que le russe!)
Ben peut être que l’argent des impôts n’est vraiment dépensé que pour le pays et pas pour aller au ritz etc etc
Vivement qu’ils construisent une raffinerie en marbre, ce serait trop classe.
On a du mal a croire que cette ville est si proche des dernieres villes que vous avez visites en Iran et qu’il puisse y avoir de telles differences entre des pays si proche (en meme temps, j’habite dans un pays ou ils bouffent du boeuf cuit dans de la sauce a la menthe et c’est juste a cote de la france…).
Bien flippant tout ça !