« Un voyage se passe de motif, il ne tarde pas à trouver qu’il se suffit à lui-même. »*
Qu’il est difficile de commencer cet article.
À moins qu’il ne soit difficile de terminer par cet article.
On ne sait par quel bout prendre les choses.
Pas envie de clore cette étape de notre vie, pas envie de tourner la page, ni de faire un bilan.
Cependant, il va falloir se rendre à l’évidence.
On se dit que ça serait trop long de tout re-raconter, de reprendre depuis le début.
Il faut dire qu’on s’est accrochés à ce journal comme à un fil d’Ariane.
Pour nos amis, nos familles, pour leur exposer ce que l’on voit, expliquer ce que l’on vit, décrire les mets que l’on savoure et l’air que l’on respire.
Mais surtout et avant tout, si on a écrit ce carnet de voyage, c’est pour nous.
Il faut dire que nous sommes partis, ne sachant trop comment faire, ni quoi dire. C’est étrange de tout raconter.
Puis au fur et à mesure de nos découvertes, nous avons pris plaisir à rédiger ce carnet intime, contant nos impressions, exposant sur le vif nos visions subjectives et humbles des endroits que nous traversions, des cultures que nous croisions, des personnes que nous rencontrions.
Nous avons travaillé dur pour le tenir à jour, passant de longs moments, quotidiennement, à trier ces photos, sélectionner les plus belles et illustratives, rédiger les articles avec minutie et puis les relire.
Revenant sur notre ouvrage pour corriger et effacer, étendre notre champ lexical, chercher les synonymes et les mots précis, des « falaises karstiques » aux « venelles» en passant par un « phalanstère ».
Tout ça pour trouver le mot juste, rapportant fidèlement nos sentiments et émotions. On voulait qu’en relisant notre texte, on puisse se replonger dans ses moments et se souvenir de chaque détail.
Ce blog est un véritable « 4 mains », chacun de nous rédigeant dans son propre style, l’un et l’autre se complétant pour donner vie à ces articles qui, au fur et à mesure des mois, se sont allongés, ont gagné en précision, en maturité… et en intérêt.
À mesure que notre voyage avançait, nous nous éloignions de nos références, de notre quotidien, de nos habitudes.
Nous obligeant à poser sur le papier ce nombre grandissant de surprises, de nouveautés et d’expériences.
Afin de ne rien oublier.
Mais qu’est-ce qu’on a été bavards.
Au départ, l’Italie ne nous étonnait pas vraiment.
Confortablement installés dans notre TGV pour Torino, on ne pensait pas encore à se réjouir de voyager en « assis-mou » et d’avoir des carreaux aux fenêtres. Comment aurions-nous pu nous attendre à vivre ce que l’on a vécu par la suite.
On pourrait raconter l’histoire des trains, des trajets et attentes interminables…
…des bus, des machrutka, des pete pete, des tuk tuk, des rickshaw, des minivan, des sumo, des angkot, des vendeurs ambulants et des « assis-durs » et « assis-mous », des sleeper poussiéreux ou couchettes climatisées glacées.
L’histoire de ces longues heures passées au son répétitif des essieux qui claquent à chaque jonction de rail, des sonos bruyantes des bus, sous les regards éberlués et souvent insistants des passagers, lors de rencontres fortuites et de frugales repas achetés en hâte par la fenêtre à un vendeur sur le quai.
Mais dans ce train à grande vitesse qui nous conduisait à Turin dans un confort bourgeois, on ne savait pas que 6h de trajet nous paraitrait être « la porte à côté » alors qu’on traversera plus tard les zones désertiques dans la torpeur du Rajasthan en train Express si lent, ou qu’on naviguera deux jours durant à bord du KM Tidar faisant cap sur Sulawesi.
Une question nous hante depuis qu’on a quitté Sumatra : est-ce que le Molek est un train ?
Les longues attentes dans les gares, les ports, ou le long des rues ne sont plus sujettes à la lecture, ou l’occupation, mais à l’observation. Plus d’horaire précis, le bus partira quand il sera plein.
« Le temps d’Asie coule plus large que le nôtre. »*
On se doit désormais d’être attentifs à la moindre information, il nous faut lire notre environnement, demander et redemander à cinq, dix personnes, interpréter les réponses…
Une attente contemplative, rébarbative, mais souvent instructive.
« Ici, prendre son temps est le meilleur moyen de n’en perdre. »*
En quittant Paris ce 19 février 2014, nous n’avions certainement pas prévu tout ça.
Puis nous avons compris que dans un monde où les codes, les mentalités, les rythmes de vie, les interactions humaines sont si éloignés des nôtres, rien ne se passe jamais plus « comme prévu ».
« On sait bien où on veut aller, mais on ignore quand, comment, par quel chemin on y parviendra. Inutile de trop s’en soucier d’avance, on verra bien. »
Théodore Monod
Nous partions en se disant que si ce voyage durerait 3 mois, ça serait déjà génial.
Mais voilà, nous avions envie de voyager sans avion (ou disons le moins d’avion possible).
Et ce qui pouvait paraître, apriori, comme une complexité – avec les difficultés que peuvent être les passages de frontière, les visas, les photocopies et les photographies multiples, les incertitudes des transports pour rejoindre les confins des pays d’Asie Centrale… – s’est avéré être une facilité pour nous, un passage obligatoire et désiré à travers un nouveau pays.
Le passage de la Turquie à l’Iran, puis plus tard celui entre le Myanmar et l’Inde, ou la frontière entre le Kirghizistan et la Chine pour ne citer que ces trois-là sont des galères magiques gravées dans nos têtes.
Une porte qui s’ouvre alors que l’autre se referme.
On part à l’Est. Toujours plus à l’Est. En quittant la Bulgarie, nous quittions le continent Europe pour celui de l’Asie.
Doucement, nous nous sommes éloignés.
Doucement, nous avons perdu nos repères.
…et soudain, tout a commencé.
C’est en arrivant au bout de l’Anatolie, puis en Iran que nous prenons finalement conscience que « nous sommes loin ».
Nous avons rattrapé la Route de la Soie. Celle des marchands, des caravaniers et de leur caravansérails, des décors infinis de roches ocres, et de ces cités intemporelles aux mosquées coiffées de dômes bleus azurs. Celle des bazaar aux multiples senteurs d’épices et aux myriades de couleurs.
Ça y est : nous faisions route vers l’Orient.
Tout s’est allongé, étendu, distendu.
Les heures, les distances et même nos vêtements.
Les déserts sont apparus, si grands et si vastes.
Devant, derrière, sur les côtés, partout où le regard se porte, l’infini du désert.
Des paysages immensément vides, et pourtant si riches en texture.
Il n’y a rien d’autre qu’une route se frayant un chemin vers cet horizon lointain de massifs montagneux.
Désormais, les trajets se calculent en heures et non plus en kilomètres.
Le confort se perd, le climat se durcit, l’air est sec. On vit rustre dans ces pays d’Asie Centrale, on vit simple et on se rappelle du « bon sens », mais les voix chantent à nos oreilles, et les idiomes se multiplient.
Les alphabets aussi. Pas une frontière sans que nous nous sentions analphabètes.
Désormais le seul moyen de sortir de cette région isolée, enclavée, éloignée de toute mer, c’est de poursuivre notre chemin plus profondément encore vers l’Est, de contourner l’Himalaya et de rejoindre la Chine, puis progressivement l’Asie Sud-Orientale aux climats plus doux.
Mais après tout, nous ne sommes pas si pressés.
Et cette période en Asie Centrale hante encore nos mémoires, et à peine avions nous quitté ces régions reculées que nous vivons encore aujourd’hui avec ce désir, à moitié dissimulé, d’y retourner et de continuer à explorer ces sentiers que si peu de voyageurs foulent, riches en rencontres et découvertes. L’ Asie Centrale est une invitation à l’exploration, à l’aventure du bout du monde.
Alors, nous avons arrêté de regarder nos montres.
À quoi bon connaître l’heure qu’il est dans un pays où il n’y a pas d’horaire ?
Nous avons appris à se caler sur le rythme local, celui de la rue et de la vie.
La nuit qui tombe, l’appel à la prière, la température qui chute, et qui fait rentrer Hommes et bêtes au bercail.
Plus tard, plus proche de l’équateur, ce sera l’arrivée des moustiques ou la ponctuelle averse tropicale qui nous imposeront leur tempo.
On pourrait raconter l’histoire du temps.
Du temps qui passe, des heures qui défilent, sans qu’on ne s’en rende compte.
On a appris à débrancher notre intellect, pour oublier ces longues heures d’attentes, dans les gares, sur un trottoir ou un banc, à attendre les 3 passagers qui nous permettront, enfin, de prendre la route.
On a appris à patienter. Une date pour passer une frontière, une tempête de neige ajournant le passage d’un col, un bus plein ou en panne qui nous empêche de partir ou parfois simplement une information qu’on n’a pas comprise.
On n’a même pas tellement lu.
Il faut dire que nous avions le visage collé à la fenêtre pour ne rien louper de ce qui nous entoure.
Et puis, une fois doublées les grandes civilisations de Perse ou de Chine aux cités grandioses, les mornes et linéaires villes d’Asie ne font que pâle figure face à la magnificence des paysages qui les séparent.
Le parcours devient toute la richesse de l’itinérance.
Et puis le temps des saisons.
Ahhhh, la grande histoire des saisons.
Combien de visages éberlués – de petits comme de grands – lorsque nous contions la douceur du climat et la succession sempiternelle des saisons dans notre pays.
Lorsque que nous expliquions leur succession cyclique à l’aide du croquis d’un arbre qui perd ses feuilles, qui change de couleurs, qui a des fruits.
Non, ça ne pousse pas en France un ananas.
Non on n’a pas de noix de coco, ni de mangues.
Mais on a des abricots ! Dit-on fièrement.
Des quoi ?
Avoir des saisons marquées, au cours desquelles les paysages et la nature sont bouleversés, tombent en léthargie, pour revivre au retour du printemps, et faire une fête de la vie.
C’est une magie dont nous ne savions plus nous contenter et peut-être l’un de nos plus gros manques.
Et quand nous en venions à expliquer tant bien que mal, en « petit nègre » accompagné de schémas gribouillés, que la durée d’ensoleillement change du simple au double entre deux solstices, notre audience, si elle n’y comprenait rien, n’en demeurait pas moins exaltée.
Chez eux, nous avons eu chaud, très chaud.
On a ressenti la puissance du rayonnement solaire tannant nos fragiles peaux blanches de bule.
La brûlure d’un vent si chaud qui assèche les yeux.
On a transpiré et sué.
À longueur de journée.
Et on a appris à s’en moquer.
On a désiré la pluie, attendu les orages et apprécié ces réveils matinaux où l’air frais glissait sur notre peau.
Nous avons eu froid aussi, moins souvent, mais intensément. Un froid qui tétanise les muscles et empêche de dormir, et qui fait réfléchir à deux fois avant de sortir de son mille-feuilles de couvertures pour rejoindre les toilettes.
Des matinées où l’on cherche le soleil pour réveiller nos corps ankylosés de ses rayons régénérateurs.
Alors oui, on pourrait raconter les différences.
Il faudrait alors parler de tout. Des arbres qui poussent, des fruits qui y grandissent, de la façon de les manger et des récoltes qui se passent.
En Indonésie, l’avocat se boit avec du café (avocado kopi), alors que le jaune d’œuf se mélange au thé (te telur).
Au Kirghizistan, on boit du choro (du blé broyé puis bouilli) ou on offre aux invités d’honneur que nous étions du lait de jument fermenté (kimiz) tandis qu’au Tibet on se sustente d’un pâton cru de farine d’orge (tsampa), ou de thé salé au beurre de yak.
En Birmanie, on mange les feuilles de thé en salade, alors que nous avons découvert que le « monde entier » s’abreuve quasi exclusivement de l’infusion de ses feuilles.
Les champs de blé et de maïs ont disparu au profit des autres cultures : pommes de terre, canne à sucre, riz…
On sait reconnaître un arbre à papayes ou à clou de girofle, un arbre tapioca et un manguier, un caféier…
On a perdu l’usage du couteau, pour ne se contenter que d’une cuillère et d’une fourchette.
Puis cette dernière a disparu, et ce fut au tour de la cuillère, ne nous laissant que le plus simple outil pour nous restaurer : nos doigts, qui ont, progressivement, su gagner en habileté et ne nous font pas forcément regretter l’usage de nos couverts.
Dans cette société séparée du reste du monde qu’est la Chine, les baguettes sont apparues, et avec elles, tout un univers de différences indénombrables.
On a croisé des cheptels de yaks.
Et voir un troupeau de chameaux traversant la route ne nous était plus incongru.
On a serré la main des orangs outangs, on a vu des éléphants et des pandas.
On a nagé avec des tortues, des bancs de barracudas, des raies et des poissons clown dans des paysages sous-marins bariolés aux couleurs saturées.
On a côtoyé les nuages du Sichuan à plus de 4750 m d’altitude, là où l’air est plus difficile à respirer. On a flotté comme des bouchons à -420m d’altitude, en Mer Morte dans cette étendue d’eau si salée qu’aucun être ne peut y vivre.
On a plongé, à plus de 40 mètres de profondeur, surplombant des fonds abyssaux au bleu incroyable au cœur de la Mer des Moluques.
Et puis ces différences sont devenues notre commun.
Notre quotidien.
Tout comme le voyage est devenu notre zone de confort.
On pourrait aussi raconter l’histoire des langues.
Quand on sait qu’il y a plus de 5800 idiomes parlés en Inde.
À notre humble échelle de nomade, nous avons appris à dire « bonjour » en turc, bulgare et kirghiz.
Nous savons dire merci en hindi (ou punjabi et assami peut-être ?), en birman et en lao.
On sait compter jusqu’à 10 en chinois, en indonésien et en farsi.
On a souvent été analphabètes et incompris. On ne s’est souvent pas fait comprendre. On a rarement eu exactement ce qu’on avait commandé à manger.
Alors on a appris à ne plus avoir d’attente et se dire « on verra, inch’allah ».
Mais pour pallier ces difficultés à communiquer, nous avons développé notre langage corporel, dont l’immense pouvoir surmonte la plupart des obstacles.
Un regard, un geste de la main ou un hochement de tête, un croquis, un mime, un bruit. On a dû aussi comprendre et apprendre que gestes ou croquis sont loin d’être universels.
Il n’y a cependant pas de limite. Et si on a le temps et la volonté, on parvient toujours globalement à se comprendre.
Emplis de frustrations, nous nous sommes fâchés parfois, avons interprété souvent, mais toujours nous sommes parvenus à nos fins.
Il a fallu apprendre à se laisser porter, à laisser l’autre décider pour nous, à laisser faire.
La plupart du temps, c’était une bonne idée.
Oui… la plupart du temps.
On pourrait raconter l’histoire des déconvenues…
… mais on a de la chance, cette histoire ne serait pas très longue.
Étonnamment nous n’avons que très peu été malades.
Alors oui, on a perdu des sous, des téléphones et des fringues. On s’est parfois agacés et énervés, tous les deux, ou envers les autres.
Et puis après tout, le proverbe ne dit-il pas « celui qui ne se plante jamais ne peut pas pousser » ?
Alors on a poussé.
On s’est renforcés, psychologiquement également.
Plein de choses nous sont passées par la tête.
On a appris, grandit et murit.
On a changé.
On a perdu des membres de nos familles, quand d’autres sont venus l’agrandir.
On a des amis dans le monde entier, issues de ces rencontres improbables.
On pourrait aussi raconter également l’histoire de ces rencontres.
Ces visages si similaires et si différents.
Chaque nez, bouches ou paires d’yeux croisés, chaque sourire et minutes partagés.
Ces amis avec lesquels on se sent si proches malgré les milliers de kilomètres qui nous séparent.
Ces familles qui nous ont accueillis comme leurs propres enfants.
Ces rencontres de deux minutes, ou quelques secondes qui nous réchauffent le cœur et nous font oublier notre statut de laowai. On nous sourit pour un rien.
Et on apprend de cette bonté, cette bienveillance qui ne coute rien à prodiguer mais qui a tant de valeur pour celui qui la reçoit.
Et bien sûr, ces milliers de photos prises pour ne pas oublier, pour rapporter et pour partager.
« La dialectique de la vie nomade est faite de deux temps : s’attacher et s’arracher. […] On a peine à quitter les amis qu’on s’est fait, mais en même temps, on se réjouit de la chance qu’on a de pouvoir se promener sur cette planète. On se dit si cette amitié soit durer, elle durera, Inch Allah. »*
Nous avons reçu tellement qu’on aimerait désormais pouvoir être à la hauteur et rendre la pareille. Des accueils si généreux et si spontanés, des conversations parfois si profondes, aux moments intimes et familiaux auxquels nous avons été conviés, nous avons absorbés ces instants.
Nous nous sommes nourris des Hommes.
Et puis, on pourrait raconter le chemin parcouru…
La trace minuscule que nous que nous avons laissé derrière nous.
Ces 107 623 km parcourus sur un si petit bout de planète, en bus, en bateau, en avion, en train, en molek, en moto ou à pied.
Nous avons traversé 25 pays, et tellement plus encore de régions aux identités si variées et multiples.
La Chine, l’Inde ou même l’Indonésie, petits continents à elles seules et aux facettes si diverses, ne peuvent compter pour une nation unique.
Nous en avons vu des choses.
Il nous reste encore tant à voir.
Qu’il est difficile d’écrire ce texte.
Ces 815 jours de voyage se mélangent. C’est enivrant et vertigineux.
Nous ne sommes pas remis de cette aventure.
« On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt, c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait. »*
Oui, nous sommes défaits.
On a perdu nos repères, nos idées conçues et nos habitudes.
On a appris à mettre tout à plat, à questionner et à rebondir.
On a appris des autres et de la différence.
Qu’est-ce qu’elle est belle et enrichissante cette différence !
Combien de fois nous a-t-on demandé notre religion, avant de souligner dans la seconde qui suit « nous, on aime tout le monde de toute façon ».
Combien de fois avons-nous été surpris par la facilité des échanges, des sourires, avec des personnes si éloignées.
Combien de fois avons-nous dû expliquer qu’on ne se déplace plus en cheval en France, qu’on ne mange pas avec les doigts et pas tant de riz que ça, qu’on ne vit plus chez nos parents – mais que ça ne veut pas dire qu’on ne les aime plus – , que Brice sait aussi faire la cuisine et la vaisselle.
Combien de fois des étrangers ont affectueusement pointé notre nez, remarquant comme il est fin, pointu et long, tirant sur les poils de Brice, soulignant le minois de Marion.
Finalement, tout ça, c’est same same.
On a aussi appris à voyager plus léger, à s’affranchir de nombreuses choses.
« Le but de l’état nomade n’est pas de fournir au voyageur trophées ou emplettes, mais de le débarrasser par érosion du superflu. C’est dire, de presque tout.
Il rançonne, étrille, plume, essore et détrousse comme un bandit de grand chemin, mais ce qu’il nous laisse, personne ne nous le prendra plus.
On se retrouve réduit et allégé. Pour un temps seulement.
La légèreté est aussi volatile que précieuse, et exige d’être courtisée et reconquise chaque jour.
De retour à l’état sédentaire, il faut veiller à ne pas reprendre cette corpulence et cette opacité qu’on se flattait d’avoir perdues. »*
Et puis, ça devait arriver.
Progressivement, la fatigue s’est installée.
Celle du voyage.
L’émerveillement et la magie ont eu progressivement plus de mal à transparaître, à faire naître cette émotion si douce de la découverte.
Nous sommes un peu essoufflés, et ça n’est pas qu’une histoire d’altitude.
Notre porte-monnaie fait grise mine.
Il est temps.
Notre tête est remplie et aujourd’hui, elle a du mal à voir les choses de la même manière, à regarder de l’avant.
Ça peut prendre un peu de temps. On sait qu’on y reviendra, qu’on repartira.
Il ne pourrait pas en être autrement.
C’est un fait.
Un besoin.
Une addiction.
Une simple histoire de temps, un répit.
À nous d’être patient, de ne pas précipiter les choses, attendant que le manque refasse surface.
Alors, le voyage viendra nous tirer par l’épaule, nous enivrant de ses promesses d’évasion, et nous remettra sur la route.
Peut-être autrement, peut-être à plusieurs, on a plein d’idées dans le carafon.
« Ce qu’on sait, c’est qu’on ne sait rien », et on n’a rien vu de ce monde.
On pourrait refaire le même trajet de Bourlingue que ce serait encore un autre voyage, une autre interprétation et d’autres rencontres. Un nouvel enrichissement.
Ce sera alors une infinité de choix qui s’inviteront à nous.
Aujourd’hui, il est temps de nous poser un temps.
Temps de contempler ce voyage, aussi incroyable qu’il peut nous apparaître.
Le digérer.
Prendre du recul, pour s’apercevoir de son caractère unique.
L’oublier un peu, pour le redécouvrir avec des yeux émerveillés et ébahis.
On ne pourra jamais résumer cette aventure magique.
Elle a rempli nos esprits, mais les mots peinent à venir.
Après-tout, on ne nous le demande pas.
On va continuer de vivre avec ce paquet, cette richesse qu’on s’est fabriquée et qu’on a emmagasinée.
Nous n’en avons pas terminé de ressasser ces souvenirs, ces amours, de nous raconter ce voyage où chaque foulée était un enrichissement continuel.
« La vérité d’un voyage, c’est de purger la vie, avant de la garnir. »*
Ils seront la base des multiples projets qui fourmillent fiévreusement dans nos têtes.
On vit de ces rencontres si belles, de ces souvenirs du bout du monde.
On respire de ces sourires et ces conversations.
Ces repas partagés et ces morceaux de toits prêtés.
Nous sommes partis lourds – dans tous les sens du terme.
Nous posons notre sac, légers et sereins.
C’était beau.
On recommencera.
Ce n’est pas la fin.
Ce n’est pas une conclusion.
C’est un entracte.
P.S.
Et puis aussi, on vous dit MERCI.
Le plus beau et le plus grand des MERCIS.
Pour nous avoir soutenus, encouragés, faits douter, questionnés et interrogés.
Pour nous avoir lus, corrigés, commentés, répondus et suivis.
Pour cet échange, ces moments partagés.
Ce voyage, c’était le nôtre, notre vision personnelle de l’itinérance.
Mais partager sur ce carnet de voyage nous a offert le recul indispensable pour comprendre la profonde richesse de notre humble périple, saisir sa somptuosité et en tirer sa substantifique moelle.
MERCI d’avoir bourlingué à nos côtés.
Vous êtes dans nos poches, depuis le début.
À suivre !
« En somme, je m’aperçois que les voyages, ça sert surtout à embêter les autres une fois qu’on est revenu. »
Sacha Guitry.
Encore une fois, on a été bien bavard !
‘* Nombres de citations proviennent de L’Usage du Monde, récit de voyage de Nicolas Bouvier qui a rallié sa Suisse natale à Ceylan passant par l’Afghanistan, les Indes Britanniques avant d’embarquer sur un navire courrier pour Yokohama au Japon… C’était en 1953.
Depuis la géopolitique, l’accès à l’information et la technologie ont été bouleversés. Mais les impressions de voyageurs et ses émotions sont intemporelles.
magnifique !
je pense à vous… mais la vraie question qu’on se pose tous ?…
Ou allez-vous poser tous vos bagages et vos carafons bien remplis ?
je vous embrasse fort
fredo (du bureau d’a coté…)
Ca laisse sans voix! C’est émouvant!
Ohhh !!!
J’en frissonne…
Sublime, vrai, fort, émouvant.
Quelle belle aventure, quelle richesse…
MERCI
Je vous embrasse fort.
c’est malin, j’ai pleuré en regardant tout ça
on vous aime
Gorge serrée, merci à vous. Où que vous soyez nous serons avec vous. On vous aime
Quelle richesse, quelle émotion…votre vie est transformée à jamais par ce magnifique périple. J’attends avec une immense joie la suite, quelle qu’elle soit !
Bonne continuation a vous deux !! Biz ! La soupe au sang de canard 🙂
Trop de choses à dire en réponse à ce post, donc je ne dirais rien. Voilà.
Si… on attend, on a l’temps.
On répondra à vos questions !
j’ai relu, on ne s’en lasse pas
quel beau cadeaux, que ce blog
au pluriels, cadeaux
on vous aimes, avec un s aussi
Votre grand et magnifique voyage continuera à cheminer dans vos têtes et se poursuivre avec un autre, riche de retricotage de codes et repères revisités. Et pour chasser l’émotion de ce blog, je me dis : waouh, je vais pouvoir les serrer dans mes bras !
Euh…. on a pas trop écrit ça !?
Des petits papillons dans le ventre en lisant tout cela !
Vous ètes magiques les bourlinguos !
Je ne sais pas si vous arriverez à revenir à votre vie d’avant… elle ne sera surement jamais pareil de toute façon… et tant mieux 🙂
MERCI à vous pour tout ce que vous nous avez montrés !!
(et les croquis de Marion en fait ? Il sort quand le livre dédicacé ?)
A plus !
PS : J’aurais préféré l’expression en « baragouinant » que en « petit nègre » dans le post… 🙂
Ha ha ha…
Ne nous formalisons pas…
Eh eh eh
Le plus beau blog de voyage que j’ai lu jusqu’à présent. Je le suis quasiment depuis le début . Que du vrai, de la simplicité, sans frime, sans sensationnalisme. Beaucoup de sensibilité. Du respect des autres. Vos photos dans l’ensemble sont magnifiques. Et vous avez l’air sympa.
Vraiment merci.
Je n’étais habitué, vous m’avez donné des idées de voyages. Je les ai faits: Rajasthan, Kirghisistan… En conditions un peu différentes bien sûr, j’ai votre âge, mais à tous les deux réunis…
Vous allez beaucoup me manquer. Sérieusement.
Si vous repartez… d’une manière ou d’une autre… N’hésitez pas… Racontez. Vous racontez bien.
Vous pouvez même faire part de temps en temps de ce que vous faites en mode sédentaire. je suis sûr que ça présentera de l’intérêt pout tous ceux qui vous ont suivis..
Ne laissez pas tomber ce blog. Ou bien ouvrez une page Facebook.
Encore merci.
Salut les amis, bravo à vous d’avoir osé vous lancer; abandonner votre confort, votre quotidien pour l’inconnu et nous l’avoir fait partager.
Pendant ces 815 jours, on a voyagé ensemble (au figuré et un peu au propre). Vous nous avez fait découvrir des endroits étonnants dans lesquels pas grand monde ici n’aura l’occasion d’aller et ça c’est super ! Merci !
Bon, maintenant, retour à la vie normal, tuk-tuk, boulot, apéro ! allez allez !
zz
Si vous nous dites « merci », je vous dis « bravo » pour votre courage d’avoir su vous jeter dans le vide, de vous être ouverts aux autres, d’avoir pris le temps de nous faire partager votre quotidien. Je suis persuadé que vous vous êtes améliorés et renforcés pendant ces 815 jours : une expérience sans doute inoubliable pour vous et particulièrement enrichissante pour nous derrière nos écrans
Merci pour votre très beau carnet de bord toujours illustré de photos magnifiques. Vous m’avez un peu fait voyager avec vous.
La question que tout le monde se pose est la suivante : Vous vous installez où ?
Grosses bises.
Merci à vous pour avoir partagé ce voyage avec nous !!
On imagine bien toutes ces idées qui fourmillent encore dans vos têtes, sure que vous saurez petit à petit les faire avancer à la manière qu’il vous plaira.
Bisous les amis
Quoi, vous avez fait un tour du monde ?!
🙂 Ben c’est con, vous aviez plus que quelques km à faire pour venir nous voir…
Beau post, et belles photos ! Vous devriez éditer un livre du blog et le vendre, pour financer le prochain chapitre 🙂
Et j’imagine que si vous ne partagez pas sur le quoi faire maintenant, et où, c’est que vous n’en savez encore rien ?
Bourlingots un jour bourlingots toujours !!
Si, c’est vrai, je ressens une douce nostalgie en lisant ce bel article très touchant. Vos magnifiques posts vont vraiment me manquer.
Mais au fond, je me console : N’est-ce pas seulement une page qui se tourne, une pagounette même ? Le début de nouvelles aventures tout aussi incroyables et qu’on continuera de toute façon à partager avec vous ?
En tout cas, merci beaucoup pour votre blog (même si vous l’avez écrit d’abord pour vous, bande d’égoïste !) qui nous a permis de vous suivre à travers vos périnigration, pénirigration, pénérigration, merde !….plblplblpl… Pérégrinations voilà !
A bientôt, sur le web ou pour de vrai, en chair et en os, inchallah !
Non vous n’avez jamais été bavard mais passionnant. Je vous ai suivi depuis votre départ avec toujours le plus grand intérêt.
Dany
Votre bourlingue a été (et sera à nouveau ??) merveilleuse. Vous nous avez fait voyager à travers vos magnifiques photos et articles.
Alors moi aussi je pose une question : c’est quoi le projet maintenant ??
Allez dites nous!
Je vous embrasse ultra fort
Quelle verve!
Vous racontez super bien.
Avant le votre, je ne suivais jamais aucun blog. J’ai toujours trouvé ca chiant les blogs. Mais alors le votre. C’est devenu une addiction.
Je suis quasiment sur et certain que depuis 850 jours, il n’y en a pas un seul ou je n’ai pas pensé à vous plusieurs fois.
Vous savez, plusieurs fois j’avais l’impression de partager vos sentiments…,
Je vous embrasse fort.
tout a déjà été dit alors moi je vous dis juste » on vous aime très fort » et merci de nous avoir emmené avec vous….
Yoyo, merci pour tout les amis ! Et aux posteurs qui ont bien fait vivre le blog aussi !
Bon bah on attend de savoir où vous vous posez et ce que vous allez faire de passionnant !
Bises
Pas grand chose à ajouter à ce que a été dit plus haut! Moi j’ai découvert plein de choses! On pense à vous, où que vous soyez et peu importe pour combien de temps!
Bisous!
C’est beau!
Vous, vos mots, votre expérience! Vous nous rappelez la tolérance, l’amour de l’autre alors que c’est la haine et les conflits qui assomment notre quotidien médiatique.
Vous faites confiance, vous êtes courageux, vous êtes altruistes, vous êtes respectueux!
Vous êtes beaux!
Et je vous félicite. Je te félicite ma soeur pour le chemin parcouru. Je me répète, mais tu m’impressionnes. Je suis très fière de toi.
Merci de nous avoir fait grandir un peu avec vous, et d’avoir pris soin loin de l’autre.
Je t’aime, je vous aime.