Les premières semaines ne sont pas faciles.
Vincent et Clémence nous mettent pourtant à l’aise. On a trois mois de visa, interdit de partir avant Septembre !
Nous sommes alors mi-Mai.
Ils nous font rencontrer de nombreuses personnes parmi leur cercle d’amis, les familles qui habitent dans le soi, nous rencontrons plein de nouvelles têtes… Mais, cependant, on se sent comme deux poissons hors de l’eau.
On sait pourtant sociabiliser, rigoler, trouver des points d’accroche…
Mais les premières fois à Bangkok, on se sent un peu déboussolés, loin de nos repères de vagabondage.
Pourtant tout le monde parle français ici…. et c’est peut être ça le problème.
On se sent loin. Loin de notre mode de vie des derniers mois.
Loin de nos attentes.
Loin d’où nous revenons.
On rencontre des gens qui vivent à l’étranger comme s’ils étaient à Paris, qui ne voient pas la Thaïlande comme nous la voyons ou l’avons vécue, qui ne la mangent pas, qui ne la vivent pas… Certains même ne l’apprécient guère.
À quoi bon vivre à l’autre bout du monde?, nous demandons-nous souvent.
C’est une vision sûrement faussée et extrêmement subjective, mais notre ressenti nous rend mal à l’aise.
Et puis, passer les premières minutes, on ne sait pas de quoi parler. Nous n’intéressons pas tellement comme nous ne sommes pas vraiment intéressés par leurs soucis d’enfants, de maid, du meilleur endroit où trouver des tomates, ou des rillettes (dans un pays où il n’y en a pas), bref des problèmes de riches !
Et avant tout, il faut le dire, nous avons du mal à décrocher de la bourlingue, encore fraîche dans nos têtes.
Alors, oui, ces premières semaines sont compliquées pour nous. On cherche nos repères et une nouvelle façon d’interagir avec l’environnement qui nous entoure.
Ce n’est pas grave.
Nous prenons tranquillement de nouvelles habitudes.
Au début, on va régulièrement déjeuner avec Vincent, on connaît le chemin, le sorng-tao, le prix et le moment où il faut descendre.
On découvre de nouveaux bui-bui, afin d’apporter à nos corps notre dose quotidienne de riz – encore conséquente.
On connaît un peu mieux le quartier : où faire les courses, où s’acheter un thé glacé, les jours d’ouverture du marché et ce qu’on peut trouver à Tops market ou Makro.
Nos hôtes nous laissent les clefs de la maison, et celles de la cuisine, nous leur mitonnons de petits plats, mélanges de nos expériences, on passe du temps avec les enfants qui grandissent à toute vitesse. On fait du sport régulièrement, et tous les jours, on se trempe les fesses dans la piscine.
Mais la majeure partie de la journée, nous la passons devant notre ordinateur, à mettre à jour nos CV. Pas facile avec une seule machine aux performances apathiques. Marion aurait bien besoin de son ordi resté en France pour travailler son book, et effectuer ses recherches en parallèle.
Pour contourner l’onéreux envoi par la Poste, Clémence et Vincent font jouer leurs connaissances.
Et ça marche ! En quelques 24 heures, on apprend que le voisin du 7ème part justement en France pour le boulot, il ne serait qu’une soirée à Paris, dans une semaine. Ni une ni deux, l’ordinateur quitte Nancy in extremis.
20 jours plus tard, Marion réceptionne son précieux compagnon de travail… Après 28 mois, on redécouvre une mine d’informations dans ses mémoires. Lorsqu’internet se lance de nouveau, les onglets fermés dans la hâte avant le voyage, se ré-ouvrent : « comment bien faire son sac-à-dos ».
Nous sommes ainsi, tous les deux, face à nos ordinateurs.
La partie la plus compliquée nous fait face.
On entame une réflexion sur ce que l’on veut faire.
Où aller ? N’importe où nous conviendrait. Nos recherches s’étalent donc de l’Iran aux Philippines… Mais nous ne sommes pas contre un emploi sympa en Amérique du Sud.
… donc pas facile d’organiser ces recherches.
Que faire ? Notre curiosité est alors un nouveau fardeau.
Et on réalise doucement, que la Thaïlande, ça n’est pas trop notre tasse de thé.
On n’arrive pas à trouver l’engouement, à nous y projeter.
Ça ne fonctionne pas pour nous.
Ce qui est bien dommage, puisqu’on comprend rapidement qu’en Asie, si tu veux trouver du boulot, il faut s’adresser à son réseau.
Ainsi, en rencontrant les potes de potes installés à Bangkok, les contacts pour la Thaïlande se multiplient… mais pas tellement pour le reste du monde.
Dommage !
Le temps passe ainsi. Nous participons brièvement à un « dimanche à la campagne » sur l’île verdoyante au centre de Bangkok. C’est un évènement très franco-français, mais on découvre un vendeur de fromage de chèvre frais, produit à Chiang Mai.
Pain, vin, fromage, saucisson, foie gras et huiles essentielles sont en vente.
On avoue, on ne se sent pas à notre place.
Même si…
Même si nous sommes ravis de croquer dans un sandwich.
Même si, les apéros au bord de la piscine nous paraissent tellement luxueux lorsqu’on sort avec nos maillots de bain élimés de Una-Una.
Même si, nous succombons à l’harmonieux accord de la tranche de pâté-en-croûte et du ballon de rouge.
Même si, il nous est de plus en plus difficile de résister aux chants des sirènes des magasins… (On vit toujours avec quatre T-shirts).
Même si, ces appart’ d’expat’ tellement bien décorés donnent envie de nous installer et d’avoir le nôtre.
Même si tout ça semble si simple… ça reste loin. On ne s’y retrouve pas.
Et, dans notre coin, on se questionne beaucoup.
De quoi avons-nous envie ?
Toutes ces réflexions s’organisent autour de la vie qui se déroule ici.
Les 3 ans de Joseph sont l’occasion d’une fête conséquente. Il est vrai qu’on n’avait pas prévu (ni Clémence et Vincent d’ailleurs) qu’en invitant les copains de classe de Joseph, les parents viendraient avec les frères et sœurs et les maid.
C’est ainsi qu’on s’est sentis légèrement dépassés…
Mais les Mignons, la pêche-à-ligne et la piñata faits maison ont fait sensation !
On profite des week-ends pour se faire de longues rando’ urbaines. On rejoint la Chayo Praya par les klong, les ruelles et les quartiers populaires. On achète notre thé glacé dans des sacs plastiques qu’on boit à la paille, on traverse les marchés de fruits et de légumes, poisseux à souhait, on longe des habitations précaires et aux sourires des habitants sincères.
C’est notre façon de nous reconnecter. De ne pas oublier.
Finalement, le confort s’installe vite.
On avait trouvé une citation de Nicolas Bouvier, dans L’usage du Monde.
Après deux mois installés à Bangkok, elle est encore plus vraie.
« […] La légèreté est aussi volatile que précieuse, et exige d’être courtisée et reconquise chaque jour.
De retour à l’état sédentaire, il faut veiller à ne pas reprendre cette corpulence et cette opacité qu’on se flattait d’avoir perdues. »
Alors que les jours défilent doucement, la saison des pluies s’installe. On découvre les journées rythmées sur l’arrivée des orages de fin d’après-midi.
On découvre les inondations du Soi et les vraies gouttent d’eau qui mouillent. Et la torpeur presque insupportable du mois de mai laisse place à un climat plus vivable – il fait néanmoins encore 30°C à 20h.
Et puis, on retrouve Anaïs et Sylvain.Un rappel salutaire de notre voyage en général et de notre passage à Vadodara en Inde, un an plus tôt, en particulier.
Nous les avions rencontrés lors de notre séjour chez François, alors que nous avions festoyé tout le week-end avec eux et étions restés en contact.
C’est très chouette de se revoir, on revisite un peu Bangkok, on papote bien. On les aime beaucoup. Avant de partir, Sylvain nous met en contact avec son cousin.
Ni une, ni deux, nous rencontrons Julien et Ilham, installés depuis 1an et demi dans la ville, à deux pas de chez Vincent et Clémence. Après 6 mois de voyage en Asie, ils ont décidé de se poser ici.
On rencontre leurs amis, et avec eux, on comprend avec soulagement qu’une autre manière de vivre Bangkok existe.
Et ça aussi, ça nous questionne.
Pendant ce temps, les conseils fusent, les contacts se multiplient. Brice renoue avec le réseau Arts et Métiers, passe quelques entretiens skype, décroche entre autres une proposition au Cambodge. Ah génial… euh … et puis non, pas si intéressant.
On contacte des gens en Iran, aux Philippines, en Indonésie.
On fouille tous azimuts.
On se parfume à l’anti-moustique. On fait attention aux lames du robot mixeur et aux coins des portes de placard. Notre assurance-voyage a définitivement expiré.
Après un mois dans le Royaume, nous devons sortir du pays. Notre visa expire. Nous décidons de nous évader quelques jours en Malaisie, à Penang.
On se remet en mode bourlingue, sac-à-dos et train non-AC. Sur notre route vers le sud, nous faisons étape dans la petite ville de Songkh-La, presqu’île dont les côtes sont parsemées de villages de pécheurs.
Le passage de frontière se fait sans embûche et à pieds, comme souvent.
Ici, Ramadan de l’année 1437 vient tout juste de commencer. De l’autre côté, en Thaïlande, nous étions en 2599.
Comme nous l’avions quitté il y a un an – quand la maman de Brice était venue nous visiter – nous retrouvons la tranquille île de Penang, ses rues aux maisons anciennes, ses temples et mosquées, son marché de l’iftar. Sans oublier ses collines verdoyantes aux innombrables chemins de randonnée… d’où nous sortons trempés. On retrouve des lieux d’exposition et de création. C’est propre et ordonné, et nous nous imaginons vivre dans ces longues maisons traditionnelles. Vivre à Penang, ça serait top.
Nous profitons d’une autre culture et d’un autre pays pendant une semaine, avant de retourner à Bangkok, par le chemin des écoliers : à pieds, en ferry, en TER, en bus lent, en Sorng-tao, en train express lent de 18h et enfin, en métro. On s’installe de nouveau, on prend du poids, on va faire du sport, on en reperd.
On fait des apéros, parfois sur un roof top, on va manger des nouilles, et même un Mc Do, on profite des soldes chez Décat’, Brice s’achète une chemise pour un entretien (ah… mais il faut utiliser un fer à repasser !), on fête l’anniversaire de Clémence autour d’un barbecue de compet’, on découvre les projections cinématographiques de l’Alliance Française, on va faire du cygne-pédalo dans le parc et on sillonne les allées du marché de Chakuchak avec les enfants…
On retrouve aussi François (celui de Vadodara) et Melissa, qui viennent s’installer à Bangkok.L’Inde, le voyage, ses odeurs et ses images s’invitent de nouveaux dans les conversations.
Mais comme beaucoup de nos amis, ils ventent la qualité de vie et le confort de vivre dans la cité des anges…. Pourquoi ne ressentons-nous pas la même attraction ?
On a l’impression d’être à contre-courant.
On prend des habitudes à Bangkok… et nos racines s’y enfoncent tous les jours un peu plus.
Jusqu’à ce que…
On a beau dire mais ça nous manquait et ça nous manquera la bourlingue ! Bisous
Primero !!!! 🙂
Ca faisait un moment les amis, j’avais peur de ne plus jamais pouvoir vous lire.
Ca fait plaisir d’avoir des nouvelles fraîches !
Malgré ce tiraillement spirituel, je suis certain que vous trouverez votre voie. (Pourquoi pas une 6c construite par Entre-prises 😉
Marion trop la classe, trempée jusqu’aux os, tu prends soin de ton vernis sur les pieds 🙂
Bon courage les amis
Cependant entre piscine, balade, pti resto, on a qd mm du mal à vous plaidre 🙂
Ah non… pas primero… 🙁
En effet…. on est pas à plaindre!
Comme je vous comprends, j’ai eu le coeur lourd en lisant votre article… quelle que soit la ville, le pays, j’ai le sentiment qu’il est difficile de retrouver cette légèreté qu’on apprécie tant en bourlingue, a partir du moment où on pose ses valises quelque part. En tout cas si vous trouvez la voie, ca nous intéresse car nous on est en train de bien s’enraciner dans notre ancienne vie 😉
barjavel ?
jean claude guillebaud (« un voyage vers l’asie » -1980- et « un voyage en oceanie » -1980-)
dan
J’admire votre infatigable enthousiasme pour les nouvelles choses, votre quête de l’aventure… Et quelle belle citation… Très « bourlingue » :-). Je suis sûre que vous trouverez une destination qui vous ressemblera, et puis, si elle ne plaît pas, on bouge, n’est-ce pas ?! Toutes les portes seront ouvertes tant qu’il y a l’envie ! Je vous envoie de gros bisous et du courage, Ilonka
Aaaaaah, le retour avec du suspens, parfait !
Et la nuit des temps de Barjavel, je suis un grand fan !
Bises
Et bah moi aussi j’ai du mal a m’y faire a votre enracinement.
La bourlingue me manque…
Qu’est ce que c’est beau quand vous voyagez…
Si vous avez du mal a répondre à la question : qu’aimeriez vous faire
Essayer peut de répondre à la question : a quoi vous sentiriez vous le plus utile?
Et j’ai oublié de vous dire mais merci pour ce beau cadeau d’anniversaire.
Un post que je n’attendais pas, c’est une belle surprise!
En lisant ce post je ressens encore plus l’envie de partager un apéro au 2.Z.K.B.
Those tortoise reminded me to the same tortoise I had once.