Le bus assis-dur-bruyant-froid-comme-un-frigo qui nous mène de Dharamshala à Haridwar est encore moins confortable qu’escompté.
Il y fait incroyablement froid.
L’assis-dur est dur… et nous sommes bien secoués.
Les fenêtres ont perdu leurs joints d’étanchéité depuis longtemps et un petit vent sournois pénètre dans cette fragile carcasse d’acier.
Nous sommes frigorifiés, malgré les épaisseurs que nous avions enfilées, et nous dormons entremêlés l’un dans l’autre pour conserver autant que possible notre chaleur.
Un chai au milieu de la nuit pour tenter de nous réchauffer, une route défoncée, du vent, du froid, notre nuit sera courte alors que nous sommes déposés à Haridwar, tels deux glaçons dans les frimas qui précèdent l’aube.
Il fait encore nuit, nous nous arrêtons pour un énième chai dont les spasmes de nos corps grelottants tendent à renverser.
Le jour se lève sur une aloo parotha régénératrice prise dans un dhaba salvateur. Nous déposons nos sacs dans un hôtel, et repartons de plus belle explorer les ghat de cette ville sacrée.
Haridwar est une ville de l‘Uttarakhand, installée au pied de l’Himalaya, sur les rives du Gange, non loin de sa source. Depuis des siècles, cette cité spirituelle accueille les Hindous en pèlerinage.
Tout comme Varanasi, les gens viennent s’y baigner, faire des offrandes et disperser les cendres des défunts.
Ce matin, le ciel est brumeux. Les baba, sadu et les habitants des campements de fortune se réveillent. Des braseros sont allumés, et chacun tente de se réchauffer tant bien que mal dans l’air humide du matin.
Certains commencent par un rituel bain sacré, tandis que d’autres cherchent les rayons du soleil, ou lisent le journal.
Nous longeons le ghat, où des sculptures des différentes déités, installées au bord de l’eau, sont recouvertes de fleurs, de tissus, de cette couleur orange tant liée à l’hindouisme*, de bijoux ou toute autre décoration.
Cette claque religieuse nous fait réaliser que si nous sommes en Inde depuis presque trois semaines, Haridwar est notre première grande interaction avec la société hindouiste.
Interaction est peut-être un grand mot. Cette religion est un casse-tête à comprendre, et avec nos maigres connaissances, nous avons du mal à déchiffrer ce qu’il s’y passe.
Nous sommes surtout observateurs.
Nous contemplons ces familles en pèlerinage, venues collecter un peu de cette eau sacrée dans des bouteilles en plastique vendues dans les innombrables boutiques de souvenirs.
Nombreux sont ceux qui déposent sur les eaux agitées du Gange un panier de feuilles empli de fleurs et sur lequel brûle une bougie.
D’autres déversent dans le fleuve un peu de lait, ou y jettent quelques roupies (que des plongeurs tentent de récupérer sous les yeux des pèlerins).
Enfin, aucun ne manque de se prendre en selfie au bord du fleuve sacré.
Hommes et femmes se lancent dans les eaux tumultueuses du canal.
Ils plongent plusieurs fois la tête sous l’eau tout en agrippant fermement les solides chaînes pour ne pas se faire emporter par le fort courant.
Les femmes se baignent avec leurs saris, qui leur collent à la peau et laissent apparaitre leurs corps tremblants. Tandis que les hommes, habillés simplement de leurs caleçons, ne font plus les fiers au contact de l’eau froide de cette rivière descendant directement de la montagne.
Enfin, nombreuses sont les personnes habillées de blanc et aux crânes rasés, dont juste une mèche à l’arrière a été oublié. Ces signes distinguent les membres de la famille d’un défunt dont la cérémonie funéraire a récemment eu lieu.
Ça, c’est ce qu’on a compris.
Sur les esplanades qui bordent les ghat, c’est toute une société qui s’organise autour des rituels et diverses démarches spirituelles.
Guidés par des sortes de maitres de cérémonie, certains ont le geste mal assuré avant de déverser les cendres, de collecter de l’eau et de la reverser ensuite en récitant quelques prières.
Des hommes enregistrent les donations dans de grands registres, alors que certains se font tondre la tête au milieu de la foule.
Des sortes de plateformes posées sur les escaliers accueillent les croyants venus chercher quelques réponses, bénir les offrandes ou réciter des prières.
Nous sommes spectateurs, assis sur ces marches de marbre blanc, et observons la scène.
En fin de journée, nous nous retrouvons de nouveau sur les ghat pour assister à une cérémonie de feu.
Accompagnés de chants (prières ?), une foule de dévots acclament, mains levées, les guru qui tiennent de larges torches qu’ils font danser devant eux.
Des maitres de cérémonie collectent les donations (encore) et quelques paniers de fleurs sont déposés sur le Gange.
Le brasier éteint, la foule déjà immense (nous sommes pourtant loin de la cohue des pèlerinages) se disperse dans les rues de la veille ville.
Haridwar est une ancienne citée, et nous déambulons avec plaisir dans les ruelles, entre échoppes, magasins de souvenirs et lassi – pour le plus grand bonheur de Brice, vieilles façades et arbres centenaires.
Si le lieu est évidemment hautement touristique, il n’attire que peu d’étrangers.
Ceux-ci préfèrent la ville voisine de Rishikesh à 40 kilomètres en amont du fleuve.
Internationalement renommée comme un haut lieu de pratique du yoga, elle attire les voyageurs venus travailler leur souplesse et leur respiration (même les Beatles y ont séjourné).
Le temps d’une journée, nous faisons l’aller-retour pour y retrouver Quico, rencontré en Chine (à Tashkurgan) puis au Pakistan 3 mois plus tôt, pour un après-midi relax en terrasse-avec-un-copain, avant de rejoindre Haridwar et notre train de nuit pour Jaipur, au Rajasthan.
Ahhh le train !
Entre la galère pour acheter les billets, les différents prix, les listes d’attentes, les sièges confirmés-mais-pas-sûrs, les couchettes à deux, les AC qui ne sont pas climatisés ou les sleepers sans fenêtre, le train en Inde c’est pratique mais pas simple.
Adarsh nous avait pourtant aidé à acheter nos billets et nous étions sur la liste d’attente la plus favorable, celle qui « garantit une couchette de 60cm de large pour deux ».
Nous pensions qu’en achetant une semaine en avance nos billets, nos deux couchettes seraient confirmées. Mais non…
Pas grave, une couchette pour deux ça ira, tête-bêche, on trouvera un moyen. Ça ne pourra pas être pire que la nuit dans le bus.
Nous arrivons en avance. Demandons le quai, et partons rejoindre le train qui entre justement en gare.
La voie 6, c’est celle du bout.
Le train n’est que peu rempli, nous attachons nos sacs, sortons nos affaires et nous installons sur notre banquette.
Le train part avec du retard – ça arrive souvent – et descend lentement de la montagne.
Pendant ce temps, nous lisons et préparons notre séjour à Jaipur.
Lorsqu’au bout d’une heure, en milieu de soirée, le chef de train passe pour contrôler les billets.
Il vérifie sur son listing. Tout semble normal.
Alors que Brice lui demande si on peut utiliser la couchette du dessus laissée libre, le contrôleur nous demande notre destination, nous la lui donnons.
Un silence.
Et il nous apprend que si nous voulons aller à Jaipur, ce train n’y va pas.
Bien sûr, nous sommes montés dans le mauvais train sans demander confirmation.
Celui de la voie d’à côté.
Celui qui part à Varanasi, carrément dans l’autre sens, à 1500km de notre destination initiale.
Un brin angoissé pour nous, le contrôleur nous indique qu’il faut descendre à la prochaine station et repartir dans l’autre sens.
En 2min, nos affaires sont regroupées, et nous sommes déposés sur le quai de la gare désolée de Laksar. Il est 21h, et de nouveau, il fait froid.
Bon bon bon…On se sent un peu cons…
Nous trouvons le chef de gare, qui nous réexplique qu’on n’est pas à Haridwar et qu’on s’est trompés.
Il n’y a pas de train pour Jaipur d’ici, si on veut un train pour Jaipur, il faut aller dans l’autre bled à quelques kilomètres en amont et poireauter pendant 20 heures.
On lui explique diplomatiquement que notre priorité serait tout d’abord de quitter ce minuscule village de Laksar, dans la bonne direction de surcroit, et pourquoi pas rejoindre Delhi dans un premier temps.
Cela tombe bien, il y a un train vers minuit pour Delhi. Va donc pour Delhi !
Nous achetons ainsi deux nouveaux billets en classe General pour la somme de 180Rs (2Euros) à deux.
(La General, pour rappel, c’est les billets qu’on imprime tant qu’il y a encore du papier, nous l’appellerions placement libre… même quand y’a pas de place).
Nous attendons pendant trois heures dans une salle d’attente en compagnie de quelques voyageurs nocturnes dormant sur une bâche à même le sol et emmitouflés dans leur couverture. Avec notre regard d’occidentaux, cela nous ferait penser à des clochards, mais c’est dans cet inconfort « normal » que vivent la plupart des Indiens.
Un train indien, à 1h du matin par 6°C, ce n’est jamais hyper sympa. Mais il arrive enfin.
Nous trouvons le contrôleur et demandons s’il reste un sleeper de libre.
Il parvient à nous installer sur la couchette du bout du wagon, près des portières qui ferment mal et à côté des toilettes (la réputation des latrines indiennes n’est plus à faire) et dans le courant d’air.
Voilà, c’est ici que nous allons passer une nouvelle nuit frigorifique, entre vent et odeurs délicates… avant d’arriver à Delhi, tels deux glaçons !
‘* Safran est la couleur la plus sacrée pour les Hindous. Elle représente le feu et la purification par les flammes.
Elle représente aussi l’abstinence des ascètes, la quête « vers la lumière », et enfin la couleur de la caste guerrière : les Rajpoutes.
L’aventure c’est l’aventure
Finalement la sncf c’est pas si mal !
On a en effet un peu de distance par rapport au contexte actuel en France
Ca correspond à quoi « ghat » : les quais en bordure du Gange ?
Et je vous trouve frileux les Gireaudol : ça fait 2 posts que vous vous plaigniez du froid alors que sur le précédent, le soleil irradiait toutes vos photos derrière un ciel complètement bleu. Et là, les gens se baignent quasiment à poil dans le fleuve. Avec toutes les bonnes choses que vous avez dégusté vers Dharamsala : vous avez de quoi vous réchauffez ;p
Oui, un ghat c’est comme un quai d’où des escaliers plongent vers la rivière.
Et pour le froid, ce sont surtout les écarts de température entre le jour et à la nuit qui nous rendent frileux! Mais on est des personnes sensibles tu sais
Mais l’eau du Gange était vraiment froide, elle arrive directement des montagnes en amont… Et les gens étaient frigorifiés !
La bourlingue en train de se perdre : un train peut en cacher un autre ;-)))
Et finalement, arrivés à bon port ?
Parlez en a Gad de la couleur orange… Ces batiments sont absolumnet dingue. J’aimerai trop avoir un espece de, je sais meme pas comment ca s’appel cette terasse sans rien en dessous et ces grosses coupoles, chez moi. Un regal pour Lara Croft d’aileurs.
Bon sinon la qualite des photos laisse a desirer. Probleme de connexion, d’appareil ou de tremblement pendant la prise de vue? Dans tout les cas on peut vous fair eun petit leeche pour regler ca.
Ah oui! Et ces couleurs…
Bonjour les amis.
Vous arrive boentot à la dernière évolution de la Bourlingue
L’assis dur-dur-surgelés-dans la mauvaise direction-nocturne-avec odeur de latrine !!
:-))
Bisous !
j’ai comme l’impression d’avoir déjà lu ce post. T’en avais parlé sur la ppn? Je suis vraiment en retard sur la bourlingue…
Pour revenir à l’article, il y a quelques photos magnifiques!! Brice sur la passerelle par exemple.
Les indiens sont pas hyper fit, ils sont plus en mode David Habib que Reeback musclé
ça nous rafraîchit de vous lire par cette chaleur ,;-)