On avoue ne pas s’être beaucoup attardés sur notre réveil matinal. À 6h, nous étions assis dans le van, prêt à quitter Moreh.
Rob est avec nous, ainsi que 3 jeunes femmes et le chauffeur. Youhou ! enfin libres !
Au bout d’une dizaine de kilomètres de route sinueuse, tombe le premier checkpoint de l’armée indienne. Une quinzaine de minivans font déjà la queue… On croyait qu’on attendait l’ouverture, genre il est trop tôt, le commandant n’est pas encore arrivé, mais non…
Finalement, après 20min d’attente, nous nous rendons compte de ce qu’il se passe. Chaque minivan, remplis à ras-bord de marchandises en tout genre, ficelées jusque sur le toit ou le hayon, doit être vidé afin d’être fouillé.
Les militaires ont de grands pics en acier pour transpercer les sièges, quand ils n’essaient pas de carrément les retirer.
Traitement de faveur surement, nos sacs seront vaguement fouillés, contrôle des passeports et petits interrogatoires. On passera tout de même 1h30 à attendre…
Pour les locaux, c’est comme ça tous les jours. Et on voit bien qu’ils ne sont pas traités de la même façon…
On aura le droit à des sourires, des blagues des militaires et même une tasse de thé. Mais pas les 3 jeunes femmes qui voyagent avec nous, ni le chauffeur…
C’est à ce moment qu’il faut préciser qu’ici, on n’est pas à 100% en Inde. Le Manipur, comme les autres états des Seven Sisters (le Nord Est) étaient autrefois – et même durant l’Empire Britannique – des états souverains. Ils ont cependant été absorbés par l’Inde au moment de l’indépendance. L’armée que l’on croise donc en force dans les rues de Moreh (et plus tard d’Imphal) et dont le contingent vient en grande partie de Mainland India (comme les indigènes appelle le reste de l’Inde) n’est pas là pour protéger la frontière mais pour contrôler la population locale. Même la police du Manipur n’hésite pas à nous conter les volontés sécessionnistes des états du Nord-Est.
Bref, l’ambiance n’est vraiment pas sereine, et on peut comprendre le mécontentement de la population.
Mais on reprend la route de montagne, le chauffeur klaxonnant à chaque virage, et heureusement, car à certains moments, ça passe « tout juste ».
En chemin, on contourne les barrages des villageois, probablement détruits la veille, à la reprise du trafic.
On passe par 4 checkpoints, espérant à chaque fois, que ça prendra moins de temps que le premier, ce qui est heureusement le cas.
Entre ceux de l’armée indienne et ceux de la police du Manipur, nos passeports passent entre de nombreuses mains, avant d’être enfin rangés, pour la journée.
Nous arrivons à Imphal, capitale du Manipur. Rob est déposé en ville, au pied d’un hôtel, et nous partons en minivan à la sortie de la ville, chez Milan (notre hôte couchsurfing), qui est membre de l’Universal Friendship Organisation – UFO, une association qui encourage et valorise l’échange entre les différentes communautés du Manipur (et des Seven Sisters, plus largement). On va voir de ce que ça donne.
Après 5 jours à Moreh à cause de cette route bloquée, c’est une intéressante façon de découvrir ce pays. Surement pas la plus simple, mais on a plein de choses à apprendre et à comprendre.
On retrouve à l’UFO, Rachel et Xavier, un couple franco-américain, ainsi que deux hollandais, Niels et Alex, tous les quatre arrivés la veille de Moreh (… !).
On s’installe dans nos quartiers. L’association est située en périphérie de la ville, sur un terrain au calme. On pose nos affaires dans une sorte d’étable, le sol en terre battue et les murs en torchis sont un peu limite au niveau isolation thermique. C’est ici qu’on dormira. C’est rudimentaire, mais c’est pour quelques jours, on verra.
On fait connaissance, le repas se prépare et on se retrouve tous attablés, dégustant nos premiers curry « à la main ». Pas si facile de mélanger la sauce et le riz, juste avec la main droite, de faire une sorte de petite boule, de l’attraper avec le bout des doigts, un peu comme une pelleteuse… et hop de l’avaler.
Une petite dizaine de personnes vit plus ou moins ici. On a un peu du mal à comprendre le but de l’organisation. On comprend, qu’en gros, c’est une communauté qui prône le peace and love, et ils passent une bonne partie de leur temps à taper dans leur stock d’herbe. On ne sait pas si ça va vraiment plus loin. C’est flou…
L’après-midi, on part en sightseeing, au lac Loktak.
Situé à 40km d’Imphal, ce lac est connu pour ses ilots flottants, réserve de poissons, aux formes circulaires. On prend un bateau, une tasse de thé chez un habitant, et hop on rentre. C’est joli, mais on n’a pas vraiment le temps de voir, on est charrié comme dans un tour.
Règle N°1 – ne jamais voyager la nuit.
Le retour est horrible. Tout le monde conduit n’importe comment, il y a des vélos sans lumière, que l’on voit bien sûr qu’au dernier moment, des gens à pied, que l’on ne voit pas et qu’on manque de tuer…
On est tous les six, à faire des ouchhhhh…ohhhh…pffff…, à fermer les yeux et tenter de faire repartir notre cœur… Franchement, on n’est pas passés loin d’en faucher un ou deux en bord de route…
Après toutes ces émotions, on arrive bien vivants « au Temple » – comme l’appelle Milan. Soirée feu de bois et riz. Marion est malade toute la nuit… (Serait-ce dû à l’eau que l’on puise dans le bassin stagnant ?… peut-être n’était-elle pas assez bouillie celle-ci)
Les jours suivants sont assez reposants. Les nuits sont très très fraîches, le lit très dur et on est un peu fatigués.
La douche au seau d’eau « stagnante-froide » du matin n’est pas facile. Avec 3 rayons de soleil, ça passe à peine mieux… Pas d’électricité non plus, on entasse tous notre électronique dès que le générateur est mis en marche, une heure par jour.Milan se propose de nous emmener voir une réserve de cerfs locaux en voie d’extinction (les sangai). Mouais, bof… Finalement, en chemin, on passe devant le club des Royal Enfield d’Imphal, trop cool ! on pourra papoter un peu bécane, et Brice fera même un tour (trop souple et confortable, même sur les routes défoncées indiennes), c’est vachement plus marrant que les cervidés ! Puis passage en ville par le marché riche en couleurs. En fait, cela ne diffère pas trop des pays récemment traversés, les victuailles sont vendues à même le sol… à ceci près que les transactions se font au milieu des ordures… c’est pas joli joli. Imphal a beau être la capitale du Manipur, elle n’en présente pas moins des allures de bidonville. Ici encore l’armée de Delhi est omniprésente, les soldats en armes, des véhicules blindés, de transports de troupe. Même dans le Xinjiang en Chine, on n’avait pas vu le dixième de ce déploiement militaire. Il n’est pas rare que des attentats à la bombe aient lieu, et certains accusent même l’armée d’en être parfois les instigateurs. Mouai… En tous cas, ça fait un peu peur, et en dit long sur le climat de tension qui règne dans la région.
On passe devant le stade, où se déroule une cérémonie de polo, (le sport a été inventé ici dit-on). On découvre doucement ce pays, c’est tantôt progressif (on n’habite pas en pleine ville) tantôt immersif (de la bonne eau du « ruisseau » et pas de couvert au dîner), et c’est peut-être pas plus mal.
Le soir, on « apéro », dans le resto de la maman de Milan, puis repas curry-riz-à-la-main, avec cette question qui risque de revenir souvent : « je me lave les mains avec l’eau, là, qui vient de la rivière et que je vois bien qu’elle n’est pas hyper propre, je mets certes du savon… que je rince avec la même eau avant de la mettre dans ma bouche…est-ce que c’est mieux que de ne pas se laver les mains du tout ?»… On est pour le moment en phase de rodage… fuyant LA bactérie…
Le lendemain, alors que Brice et Niels partent chercher une moto (pour Niels), Marion traine avec Xavier et Rachel, avant que l’on parte tous déjeuner chez la maman de Milan. Curry au poisson, épicé. Assis par terre. Dur dur pour les genoux de Brice, qui avaient repris l’habitude d’être bien assis à table !
En chemin, on s’arrête au hasard dans une école. C’est la fête de je-ne-sais-quoi. Et là, on devient l’attraction phare !
Les enfants nous demandent des autographes, des photos, des signatures et nos numéros de téléphone. On est invités par la directrice à prendre le thé et biscuits, Brice se retrouve avec une quinzaine de gamins autour de lui. Une vraie star!
Notre séjour chez Milan prend doucement fin.
Un peu bizarre cet endroit. Il aurait bien voulu qu’on reste encore, et en même temps, on n’a rien à y faire. Ça peut être agréable aussi, mais on a envie d’aller voir plus loin.
On part donc le lendemain pour Kohima, à 150km d’Imphal.
Milan nous accompagne à la gare de bus, Brice négocie encore mieux qu’un Indien le prix du bus, qui doit partir à 10h. Rachel et Xavier sont avec nous. Nous allons surement co-voyager un petit peu ensemble, nous partons dans la même direction.
Bon, on partira finalement à 11h15, assis à l’arrière d’un vieux bus sans amortisseur, sur une route des plus chaotiques que l’on ait prise.
À l’arrivée, on a perdu 10 cm. Nos vertèbres se sont trop tassées en chemin…
On se met en quête d’un hébergement cheap and hot water (notre dernière douche chaude, c’était il y a 15 jours à Mandalay…), avant de finir dans le dortoir pour routier d’un hôtel, eau chaude à l’extérieur, mais eau chaude.
La ville de Kohima est la capitale du Nagaland. Elle n’est pas hyper intéressante, ni hyper sympa, et il fait même froid et dès la nuit tombée, à 16h30, tout ferme, et il en devient difficile de trouver un restaurant encore ouvert. On erre dans la ville, entres petits thés/pâtisseries. Mais la ville a beaucoup plus d’appeal qu’Imphal. Les maisons, colorées, sont sur les crêtes de montagnes, on se sent en Amérique du Sud. Et les gens ici, n’ont plus les mêmes traits. On oublie un peu qu’on est en Inde. Les Nagas ont remplacés les Meités, et les gens sont quasiment tous habillés à l’occidental. Ils sont souriants et très heureux de nous aider. Et ça fait bien plaisir.
Allez, on s’enfonce un peu plus dans la montagne et le Nagaland, à la découverte de cette Inde si improbable.
Elle belle la moto!!!!!
bisous enneigés
dim et serge
Yes je viens de découvrir qq chose comprenne qui pourra!!
merci dim
C’est vrai que ça vend pas du rêve vu comme ça l’Inde (présence militaire, pauvreté, insalubrité, attrait limité des villes et paysages…). En même temps, c’est connu aussi pour sa pauvreté et y’a 1 milliards d’individus qui y vivent donc on ne peut pas faire comme si ça n’existait pas. J’espère que le Nagaland va vous redonner le sourire et que le meilleur (de l’Inde) est à venir.
Moi je suis sûr que Marion a été malade parce qu’elle a tapé dans le stock d’herbe de Milan. Mais bon, elle peut pas le dire sur le blog, il y a la famille qui lit 😉
Et une assoc’ qui s’appelle UFO (=OVNI), faut se méfier!
Bises